Les États membres de l’UE signent un accord visant à éteindre les TBI intra-européens, alors qu’un investisseur allemand lance un recours contre les Pays-Bas au titre du TCE

Le 5 mai 2020, 23 États membres européens[1] ont officiellement convenu d’éteindre les TBI intra-UE.

L’accord portant extinction des traités bilatéraux d’investissement conclus entre États membres de l’Union européenne n’est pas une surprise ; c’est en octobre 2019 que les États membres de l’UE avaient décidé d’éteindre les TBI intra-européens, suite aux déclarations de janvier 2019 quant aux conséquences juridiques de l’arrêt de la CJUE sur l’affaire Achmea c. la République slovaque.

Pour rappel, la CJUE avait déterminé que le TFUE exclut  la possibilité pour  des investisseurs de l’un des États membres de l’UE de lancer une procédure d’arbitrage international contre un autre État membre.

L’accord fraîchement signé éteint tous les TBI signés entre les parties (dont la liste apparaît en annexe de l’accord), ainsi que les clauses de survie des traités, qui, autrement, étendraient en  la protection offerte par le traité aux investissements déjà établis, pendant une durée précise après l’extinction du traité. L’accord entrera en vigueur 30 jours après la réception, par le secrétaire général du Conseil de l’UE, du « deuxième instrument de ratification, d’approbation ou d’acceptation » de la part des États membres (art. 16).

Si l’accord n’affecte pas les procédures d’arbitrage conclues par le biais d’un accord de règlement ou d’un arrêt avant le 6 mars 2018, il a des effets sur ce qu’il définit comme les procédures d’arbitrage « nouvelles » (c.-à-d. lancées après le 6 mars 2018) et « pendantes » (c.-à-d. lancées, mais pas réglées, avant le 6 mars 2018).

S’agissant des procédures nouvelles, l’article 5 de l’accord indique simplement que « les clauses d’arbitrage ne peuvent servir de fondement juridique à de nouvelles procédures d’arbitrage ».

S’agissant des procédures pendantes, les articles 7 à 9 de l’accord prévoient toute une série de mesures devant être adoptées par les parties. D’abord, l’article 7 exige que tout tribunal arbitral examinant une affaire « pendante » soit informé des ramifications juridiques de l’arrêt Achmea ;  par ailleurs, toute cour nationale compétente saisie d’une procédure liée à une affaire « pendante » sera tenue d’écarter, d’annuler, ou de s’abstenir de reconnaître ou d’exécuter la sentence en question.

L’accord propose en outre une procédure pour le règlement des affaires « pendantes » par le biais d’un « dialogue structuré » (art. 9), mené par un « facilitateur impartial », c’est-à-dire un expert en droit européen nommé par les autorités européennes si les parties ne peuvent se mettre d’accord. Ces procédures de règlement doivent être lancées dans les six mois suivant l’extinction du TBI, mais seulement si la CJUE ou les cours nationales ont déterminé que la mesure étatique contestée dans la procédure originale violait effectivement le droit européen.

Remarquons que l’accord n’aborde pas le Traité sur la Charte de l’énergie, auquel sont parties les 27 États membres de l’UE, ainsi que l’UE elle-même. Si des négociations distinctes sur la modernisation du TCE sont en cours, les nouveaux recours contre des États membres de l’UE parties au TCE continuent d’affluer. Plus récemment, ce sont les entités détenues par l’entreprise allemande d’énergie Uniper qui ont notifié les Pays-Bas de l’existence d’un différend au titre du TCE. Si les détails publiés restent rares, ce recours porte certainement sur l’abandon progressif et programmé par les Pays-Bas des centrales à charbon d’ici à 2030, tel que prévu par l’Accord de Paris et les contributions déterminées au niveau national.

Les observateurs ont fréquemment indiqué que le TCE risquait fortement d’entraver les efforts visant à lutter contre le changement climatique.

[1] L’Allemagne, la Belgique, la Bulgarie, la Croatie, le Danemark, l’Espagne, l’Estonie, la France, la Grèce, la Hongrie, l’Italie, la Lettonie, la Lituanie, le Luxembourg, Malte, les Pays-Bas, la Pologne, le Portugal, la République de Chypre, la République tchèque, la Roumanie, la Slovaquie et la Slovénie.