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Le Brexit et d’autres sujets sensibles compliquent les négociations du TTIP ; l’opposition publique persiste

Le 14ème cycle de négociations du Partenariat transatlantique de commerce et d’investissement (TTIP) s’est tenu à Bruxelles de 11 au 15 juillet 2016. Les responsables des négociations, Ignacio Bercero pour l’Union européenne, et Dan Mullaney pour les États-Unis, ont reconnu la nécessité de surmonter d’importantes différences au sujet des services et des marchés publics, malgré les progrès réalisés dans l’élimination des droits de douane et la coopération réglementaire.

Un autre facteur ralenti les négociations : le vote des britanniques du 23 juin en faveur de la sortie de l’Union européenne.Mullaney a souligné la nécessité de réfléchir à ce fait nouveau : « Imaginez par exemple que les États-Unis disent, “le TTIP ne s’appliquera pas en Californie” ». La deuxième économie européenne, le Royaume-Uni, est le premier marché mondial pour les services des États-Unis et représente 25 % des exportations étasuniennes vers l’Union européenne.

Comme l’annonçait The Guardian le 20 juillet, certains représentants des États-Unis semblent plaider pour un « éventuel accord commercial et d’investissement bilatéral rapide » avec le Royaume-Uni dès qu’il aura officiellement quitté l’Union européenne.Cela pourrait ainsi consolider les relations économiques entre la Grande-Bretagne et les États-Unis, et accélérer les négociations du TTIP.

L’opposition de la société civile au TTIP se poursuit sur de nombreux fronts. Devant le bâtiment où se tenait à huis clos le 14èmecycle de négociation, une quarantaine de manifestants ont été repoussés par la police bruxelloise après avoir « attaqué » des représentants à coup de confetti.  Des enquêtes d’opinion menées en Allemagne et au Luxembourg indiquent que la population des deux pays pensent que l’accord apportera plus d’inconvénients que d’avantages. Des organisations de la société civile des deux pays et de 18 autres pays de l’UE ont signé un courrier adressé au Président du Conseil de l’Europe, Donald Tusk, exigeant le retrait immédiat du mandat de négociations de la Commission européenne.

L’absence de transparence et de participation publique dans les négociations explique en partie cette opposition. Le 2 mai, Greenpeace Pays-Bas a révélé plusieurs documents de négociation et appelé à l’organisation de débats avant la poursuite des négociations. La Commission européenne a rappelé son engagement en faveur de la transparence en publiant neuf de ses propositions pendant le 14ème cycle de négociation.

En février, les responsables des négociations pour l’UE et les États-Unis avaient annoncé leur intention de produire une version consolidée d’ici à fin juillet. Au terme du 14ème cycle de négociation, Bercero a annoncé qu’elle serait plus vraisemblablement prête fin septembre.

Le programme de négociations de l’UE se poursuit malgré le Brexit ; le MERCOSUR et l’Indonésie sont les prochains

Malgré les incertitudes qui entachent les négociations du TTIP, Cecilia Malmström, la Commissaire européenne au commerce a affirmé que l’UE survivrait au Brexit et qu’elle souhaitait conclure les négociations avant que le président des États-Unis, Barack Obama, ne quitte la Maison blanche début 2017. Malmström a rappelé que la Commission européenne continuerait de négocier le TTIP et d’autres accords commerciaux et d’investissement au nom du Royaume-Uni, qui reste membre de l’UE jusqu’à la formalisation du Brexit.

Il y a par exemple les négociations avec le MERCOSUR qui ont repris le 23 juin, et celles avec l’Indonésie, lancées officiellementle 18 juillet. Les cycles de négociations avec ces deux partenaires devraient commencer dans le courant du second semestre de l’année. Le 17ème cycle de négociations d’un accord de libre-échange avec le Japon est prévu en septembre 2016 à Bruxelles.

Lors du lancement des négociations avec l’Indonésie, la Commission a rappelé les accords récemment conclus avec Singapour (2014) et le Vietnam (2015), et indiqué que les accords conclus avec des pays membres de l’Association des nations d’Asie du Sud-est (ANASE) « jetteront les bases d’un futur accord UE-ANASE, qui reste l’objectif ultime de l’UE ».

Le Royaume-Uni jette les bases pour ses négociations commerciales et d’investissement de l’ère post-Brexit

Le 8 juillet 2016, Sajid Javid, ancien secrétaire d’État britannique au commerce, a lancé des discussions préliminaires avec l’Indesur une future relation commerciale entre les deux pays, dès que la Grande-Bretagne aura officiellement quitté l’Union européenne. « Après les résultats de référendum, ma priorité absolue est de veiller à ce que le Royaume-Uni dispose des outils nécessaires pour rester compétitif sur la scène internationale. C’est pourquoi je suis en Inde aujourd’hui, pour lancer ces discussions commerciales », a dit Javid.

Avant d’assumer un nouveau poste au gouvernement le 14 juillet, Javid avait affirmé que l’intention du gouvernement britannique était de développer ses capacités commerciales en recrutant 300 personnes, y compris des négociateurs, et de rendre visite à d’autres partenaires commerciaux clé, comme la Chine, la Corée du Sud, les États-Unis et le Japon.

Le ministre britannique au Commerce et à l’Investissement, Lord Price, a terminé sa première visite officielle en Chine et à Hong-Kong le 11 juillet, où il a souligné l’importance de renforcer les relations commerciales et d’investissement. Il s’est dit optimiste quant à l’avenir, et a ajouté que « plusieurs pays se sont déjà dit intéressés par le fait d’ouvrir des discussions commerciales avec le Royaume-Uni ».

Le même jour, le Chancelier de l’Échiquier George Osborne s’est rendu à New York pour s’entretenir avec des personnes influentes de Wall Street ; il se rendra ensuite en Chine et à Singapour pour discuter de commerce et d’investissement. Dans une déclaration, il affirme : « Le Royaume-Uni quitte peut-être l’UE, mais pas le monde. Nous continuerons d’être un reprère en matière de libre-échange ».

La ministre canadienne au Commerce, Chrystia Freeland a affirmé aux médias que son équipe entretenait des « échanges techniques » avec le Royaume-Uni au sujet de l’Accord économique et commercial global (AECG) entre le Canada et l’UE, et indiqué que la Grande-Bretagne avait demandé l’avis du Canada au sujet de négociations pour un accord commercial et d’investissement post-Brexit avec l’Union européenne. L’AECG est le modèle préféré du ministre britannique du Brexit, David Davis, pour une relation post-Brexit avec l’Union.

L’AECG sera un accord mixte ; la Commission espère pouvoir le signer en octobre

Le 5 juillet 2016, la Commission européenne a proposé au Conseil que l’AECG Canada-Union européenne – conclut en 2014 puis de nouveau en février 2016 – soit signé comme un accord « mixte », qui exige la signature et la ratification de chaque État membre de l’UE. La Commission espère ainsi qu’il soit « rapidement signé et appliqué à titre provisoire ». La signature officielle interviendrait lors du sommet Canada-Union européenne, qui aura lieu à Bruxelles fin octobre.

Une semaine avant cette proposition, Jean-Claude Juncker, le président de la Commission, aurait déclaré le contraire, à savoir que l’AECG serait soumis à une procédure d’approbation simple n’impliquant que le Parlement européen – contre l’avis du Président français François Hollande, de la Chancelière allemande Angela Merkel, et d’autres dirigeants européens.

La commissaire européenne au commerce Cecilia Malmström a précisé qu’il « appartiendra[it] à la Cour de justice de l’Union européenne de se prononcer dans un avenir proche, sur la question en suspens de savoir qui a la compétence pour de tels accords commerciaux. D’un point de vue strictement juridique, la Commission considère que cet accord relève de la compétence exclusive de l’Union. Toutefois, la situation politique au Conseil est claire, et nous comprenons la nécessité de le proposer comme un accord “mixte” afin qu’il puisse être signé rapidement ».

Elle a de nouveau salué le « nouveau système juridictionnel des investissements et [l]es règles renforcées de protection des investissements » de l’AECG qui constitue « une étape importante vers le but final que poursuit l’UE, à savoir la création d’une juridiction en matière d’investissements à l’échelle mondiale ».

La Bulgarie et la Roumanie ont annoncé qu’elles opposeraient leur véto à l’accord car le Canada n’a pas supprimé l’obligation d’avoir un visa pour leurs ressortissants. Plus tôt dans l’année, le Parlement néerlandais a rejeté l’application provisoire de l’accord, et le Parlement wallon de Belgique s’est dit opposé à sa signature.

Les partenaires au RCEP concluent le 13ème cycle de négociations à Auckland ; trois autres cycles sont prévus en 2016

Le 13ème cycle de négociations en vue d’un Partenariat économique intégral régional (RCEP) s’est tenu à Auckland en Nouvelle-Zélande, du 12 au 18 juin 2016.

Le Centre international de commerce et de développement durable (ICTSD) rapporte que tous les pays ont maintenant présenté leurs offres initiales pour les marchandises et les services, et leurs listes initiales de réserves sur l’investissement. Les négociations – pour lesquelles trois autres cycles sont prévus en août, octobre et décembre – devraient s’étendre au-delà de l’échéance prévue de 2016.

En avril 2016, Knowledge Ecology International a révélé une version du chapitre sur l’investissement datée du 16 octobre 2015. La version qui a fait l’objet d’une fuite inclut 14 articles couvrant les dispositions fréquemment incluses dans les accords commerciaux et d’investissement, notamment la Nation la plus favorisée (NPF), la norme minimale de traitement, et l’interdiction des prescriptions de résultats et l’expropriation. Les partenaires aux négociations souhaitent également créer un mécanisme de règlement des différends Investisseur-État.

Le RCEP est un accord commercial et d’investissement méga-régional en négociation depuis 2012, entre l’Australie, la Chine, la Corée du Sud, l’Inde, le Japon, la Nouvelle-Zélande et le groupe de négociation de l’ANASE : Brunei, le Cambodge, l’Indonésie, le Laos, la Malaisie, le Myanmar, les Philippines, Singapour, la Thaïlande et le Vietnam. Cet ensemble de pays représente environ la moitié de la population mondiale, 30 % du PIB mondial, et 25 % des exportations mondiales.

L’Inde entame la réforme de sa politique d’investissement après avoir approuvé son nouveau modèle de TBI

L’Inde a commencé à envoyer des notifications officielles pour mettre fin à une partie de ses traités bilatéraux d’investissement (TBI) conclus avec 57 partenaires commerciaux, devenus caduques ou qui le seront prochainement.

En outre, l’Inde a proposé aux 25 pays avec lesquels elle a conclu des TBI dont la durée initiale s’étend au-delà de juillet 2017 de signer une déclaration interprétative conjointe précisant les ambigüités dans le texte du traité, par exemple concernant les définitions de l’investisseur et de l’investissement, et l’exclusion des questions fiscales.

Ces mesures audacieuses découlent de l’approbation du nouveau modèle de TBI de l’Inde en décembre 2015, qui réduit la portée de la norme de traitement des investisseurs (il évite les termes « traitement juste et équitable »), élimine la clause NPF et inclut des obligations pour les investisseurs. S’il conserve l’arbitrage investisseur-État, le modèle exige de l’investisseur qu’il épuise les recours locaux avant de lancer un arbitrage international contre l’État d’accueil.

La politique d’investissement étranger de l’Inde a évolué pour répondre au nombre croissant de mesures et politiques gouvernementales contestées par des investisseurs étrangers au titre de traités d’investissement : depuis 2012, sept arbitrages ont été lancés contre l’Inde, d’après les sources connues.

Le prochain défi politique pour l’Inde consistera à renégocier ses traités d’investissement sur la base de son nouveau modèle et à intégrer sa politique révisée dans les négociations commerciales et d’investissement en cours, avec divers partenaires, comme le Canada, les Etats-Unis et l’Union européenne, ainsi que dans le cadre du RCEP.

Un courrier au ton accablé, adressé le 25 mai 2016 par la commissaire européenne au commerce Cecilia Malmström, au ministre indien du Commerce et des Finances illustre bien ces difficultés. Elle y prévenait l’Inde que les notifications de mettre fin au traité envoyées à un « nombre significatif » d’États membres de l’UE pourraient « avoir des effets majeurs » si des traités de remplacement ne sont pas en vigueur. Selon elle, cela pourrait « créer des disparités dans la protection des investissements et donc décourager les entreprises européennes d’investir en Inde », puisque les investisseurs « pourraient considérer que le climat de l’investissement se détériore ».