De manière inattendue, le Directeur général de l’Organisation mondiale du commerce démissionne

Roberto Azevêdo, le Directeur général de l’OMC, a annoncé le 14 mai 2020 qu’il quitterait ses fonctions le 31 août prochain, écourtant son mandat d’une année. Azevêdo occupe ce poste depuis le 1er septembre 2013, son deuxième mandat ayant commencé en 2017.

Sous l’égide d’Azevêdo, l’organisation a connu des moments historiques, notamment l’adoption et l’entrée en vigueur de l’Accord de l’OMC sur la facilitation des échanges, premier accord commercial mondial depuis la conclusion du Cycle d’Uruguay, ainsi que l’élargissement, entre certains membres, de l’Accord sur les technologies de l’information.

Plus récemment, l’OMC a également connu des obstacles majeurs, notamment les âpres conférences ministérielles de Nairobi et de Buenos Aires de 2015 et 2017 respectivement, ainsi que la remise en question politique de la pertinence et du fonctionnement de l’institution. Parmi ces difficultés, la plus marquante est sans doute le refus des États-Unis d’approuver le lancement du processus de sélection des nouveaux membres de l’Organe d’appel de l’OMC, ou de renouveler les mandats des membres existants.

L’Organe d’appel ne dispose donc plus du nombre de membres requis pour l’examen des appels lancés par les membres de l’OMC suite aux décisions prises par les groupes spéciaux de l’OMC, et se trouve donc effectivement paralysé, alimentant les préoccupations quant à la santé du système commercial multilatéral en l’absence d’un mécanisme de règlement des différends pleinement fonctionnel. Depuis, plusieurs membres ont lancé un arrangement multipartite provisoire qui leur permettra d’examiner en appel les rapports des groupes spéciaux, jusqu’à ce qu’une solution à la crise de l’Organe d’appel ne soit trouvée.

À l’annonce de son départ, qui a pris de court les milieux commerciaux, Azevêdo a plutôt mis l’accent sur l’avenir de l’organisation, notamment l’importance de préparer la 12ème conférence ministérielle, qu’il a qualifié de « tremplin pour l’avenir de l’OMC », et qui devrait jeter les bases de la réforme. En effet, Azevêdo a indiqué que sa décision de quitter ses fonctions s’expliquait en partie par son souhait que le processus de sélection de sa ou son remplaçant·e n’interfère pas avec les préparatifs de la conférence à venir, précédemment prévue pour juin 2020, mais reportée à une date indéfinie en 2021.

Il a en outre fait remarquer que puisque les activités de l’organisation s’étaient ralenties du fait de la pandémie mondiale, il était opportun de lancer le processus de sélection de sa ou son remplaçant·e.

Les membres sont maintenant invités à nommer d’éventuel·les successeur·e·s, qui présenteront ensuite au Conseil général leur vision, avant que d’intenses consultations ne permettent de réduire la liste des candidat·e·s jusqu’à un consensus. D’ordinaire, ce processus est mené dans les neuf mois précédent la fin du mandat du ou de la titulaire, la décision finale étant confirmée par le Conseil général de l’OMC. Les bruits de couloir indiquent que les éventuel·les prétendant·e·s sont Amina Mohamed, l’ancienne ministre kényane du Commerce, qui était en lice contre Azevêdo et sept autres candidat·e·s en 2013, et qui a plus tard présidé la dixième conférence ministérielle de Nairobi, et le britannique Peter Mandelson, ancien commissaire européen au commerce.

Arancha González, la ministre espagnole des Affaires étrangères, de l’Union européenne et de la Coopération, figure également parmi les éventuel·les successeur·e·s, compte tenu de son expérience précédente en tant que Directrice exécutive du Centre du commerce international, et de cheffe de cabinet de Pascal Lamy sous son mandat en tant que Directeur général de l’OMC.

À la date du 10 juin, les nominations enregistrées incluent  également Abdel-Hamid Mamdouh de l’Égypte, Jesús Seade Kuri du Mexique, et Ngozi Okonjo-Iweala du Nigeria. D’autres nominations devraient être annoncées d’ici au 8 juillet.

Le processus de sélection d’une ou d’un successeur·e pourrait toutefois être difficile compte tenu des restrictions liées au coronavirus imposées en Suisse. Pendant la pandémie, les membres de l’OMC ont tenu des réunions virtuelles, et plusieurs membres ont indiqué être mal à l’aise à l’idée de prendre des décisions contraignantes sur une plateforme virtuelle. Les restrictions ont été assouplies en juin, l’on ne sait pas encore si ces changements permettront à l’OMC de reprendre toutes ses activités normales.