Un tribunal du CIRDI rejette la seconde affaire connue contre la Chine dans une procédure accélérée

Ansung Housing Co., Ltd. c. la République populaire de Chine, Affaire CIRDI n° ARB/14/25

Dans une décision du 9 mars 2017, un tribunal du Centre international pour le règlement des différends relatifs aux investissements (CIRDI) a rejeté une affaire contre la Chine pour défaut de compétence ratione temporis. Il a ordonné au demandeur coréen de rembourser à la Chine les coûts de procédure qu’elle a engagés ainsi que 75 pour cent de ses frais et dépenses juridiques.

Il s’agissait de la deuxième affaire au titre du CIRDI connue contre la Chine. En 2011, un investisseur malaisien avait lancé une procédure contre la Chine, mais le différend a été réglé avant que le tribunal ne soit constitué. Pour de plus amples détails sur le premier affaire, voir https://ICSID.worldbank.org/en/Pages/cases/casedetail.aspx?CaseNo=ARB/11/15.

Les faits

Le différend est né d’un projet de construction d’un terrain de golf porté par le développeur coréen en Chine. Dès la constitution du tribunal arbitral, la Chine a déposé une objection fondée sur l’article 41(5) du Règlement d’arbitrage du CIRDI, qui permet au tribunal de rejeter une demande manifestement dénuée de fondement juridique. Compte tenu de la nature accélérée de la procédure, le tribunal « suppos[ait] que les faits avancés par le demandeur étaient véridiques » (para. 32).

Fin 2006, le demandeur enregistré en Corée, Ansung Housing Co. Ltd. (Ansung), a conclu un accord d’investissement avec un gouvernement local de la province chinoise de Jiangsu, en vue de développer un terrain de golf de 27 trous. L’accord approuvait le développement de la première phase du projet (18 trous), et créait une réserve de terres supplémentaires pour la deuxième phase (9 trous). Ansung reçu également les droits fonciers couvrant environ 80 pour cent des terres nécessaires à la réalisation de la première phase.

La construction débuta en mars 2007, mais entre juin 2007 et novembre 2010, Ansung connu plusieurs difficultés causées par le gouvernement, laissant le projet en suspens. Le gouvernement local lui imposa en effet des prescriptions supplémentaires en lien avec les droits fonciers compte tenu d’une modification de la loi, exigea un prix supérieur au montant convenu à l’origine, lui octroya des droits fonciers ne couvrant qu’un tiers des terres demandées, et ne lui octroya pas les terres supplémentaires réservées au titre de l’accord de 2006.

Après avoir manqué à son obligation de rembourser l’emprunt portant sur le projet à demi-achevé, Ansung vendit ses parts dans le terrain de golf dans le cadre de transactions réalisées entre novembre et décembre 2011. Le 7 octobre 2014, il déposa une demande d’arbitrage auprès du CIRDI au titre du Traité bilatéral d’investissement (TBI) Chine-Corée. La décision ne mentionne pas les recours spécifiques.

Le délai de prescription de trois ans : quand débute-t-il ? Quand prend-il fin ?

L’une des principales dispositions abordées par les parties étaient l’article 9(7) du TBI Chine-Corée, qui prévoit : « [U]n investisseur ne pourra déposer un recours au titre du paragraphe 3 du présent article si plus de trois années se sont écoulées depuis la date à laquelle l’investisseur a EU la première fois, ou aurait dû avoir la première fois, connaissance que l’investisseur a subi des pertes ou des dommages ».

La Chine argua que l’arbitrage avait été lancé plus de trois années après qu’Ansung ait eu connaissance la première fois qu’il avait subi des pertes ou des dommages, et donc que le recours était prescrit au titre de l’article 9(7). Pour sa part, Ansung affirmait que le recours avait été déposé bien avant l’expiration du délai de prescription de trois ans.

S’agissant de la date de début du délai de prescription, le tribunal se rangea du côté de la Chine, qui s’appuya sur plusieurs décisions rendues par des tribunaux au titre de l’Accord de libre-échange nord-américain (ALENA) à l’heure d’interpréter une formulation similaire de l’ALENA. Le tribunal détermina que compte tenu du sens très clair des termes utilisés dans l’article 9(7), « [l]e délai de prescription débute lorsque l’investisseur a pour la première fois connaissance du fait qu’il a subi des pertes ou des dommages, et non pas à la date à laquelle il a eu connaissance du montant de ces pertes ou dommages » (para. 110). En l’espèce et compte tenu des faits présentés par Ansung, le tribunal conclut qu’Ansung avait eu pour la première fois connaissance ou aurait dû avoir pour la première fois connaissance – lançant donc le compte à rebours du délai de prescription – avant octobre 2011.

S’agissant de la date de fin, Ansung arguait que celle-ci devait être la date à laquelle il avait adressé sa notification écrite d’arbitrage au défendeur (le 19 mai 2014). De son côté, la Chine avançait qu’elle devait être la date à laquelle l’affaire avait été enregistrée auprès du CIRDI (le 4 novembre 2014). Convaincu par aucun de ces arguments, le tribunal déclara qu’il n’était « pas difficile » de conclure que le libellé du TBI faisait référence à « la date à laquelle un investisseur dépose sa demande d’arbitrage auprès du CIRDI » (para. 115) – c’est-à-dire le 7 octobre 2014. Le tribunal fit référence, dans le cadre de cette conclusion, à la Décision sur la compétence de l’affaire Vannessa Ventures c. le Venezuela qui affirme que « le document pertinent pour l’interruption du délai de prescription est donc la Demande d’arbitrage » (para. 116).

Après avoir identifié la date de début et la date de fin du délai de prescription, le tribunal conclut que le recours avait en effet été déposé après l’expiration de ce délai et était donc « prescrit et, à ce titre, manifestement dénué de fondement juridique » (para. 122).

Ansung échoue dans sa tentative d’invoquer la clause NPF pour obtenir un délai de prescription plus souple

Ansung a tenté de contourner le délai de prescription en invoquant la clause de la Nation la plus favorisée (NPF) du TBI. Il affirmait que le délai de prescription faisait partie des droits fondamentaux couverts par la clause NPF, et réclamait la protection d’autres traités chinois ne contenant pas un tel délai de prescription. Parallèlement, Ansung affirmait que le traitement NPF devait également être interprété comme couvrant les droits de procédure notamment l’accès à l’arbitrage investisseur-État. Le tribunal n’était pas d’accord, et jugea le délai de prescription en question comme une condition au consentement de la Chine à l’arbitrage, qui n’était pas couvert par la clause NPF à la « simple lecture » de celle-ci (para. 138).

Le tribunal nota en outre que le paragraphe 5 de la clause NPF prévoit : « Le traitement accordé aux investisseurs de l’une des parties contractantes sur le territoire de l’autre partie contractante, s’agissant de l’accès aux cours de justice et aux tribunaux et autorités administratifs pour exiger et défendre leurs droits, ne sera pas moins favorable que celui accordé aux investisseurs de cette dernière partie contractante ou aux investisseurs d’un pays tiers ».

Contrairement à la référence expresse aux voies de recours locales, le tribunal remarqua l’absence notable de toute mention du règlement international des différends dans la clause NPF. Il conclut donc que les États parties avaient la claire intention de ne pas étendre le traitement NPF à la présente situation, et décida donc rapidement de rejeter le recours, comme le demandait la Chine.

Remarques : le tribunal était composé de Lucy Reed (présidente nommée par le Président du Conseil administratif du CIRDI, de nationalité étasunienne), de Michael Pryles (nommé par le demandeur, de nationalité australienne) et d’Albert Jan van den Berg (nommé par le défendeur, de nationalité néerlandaise). La décision est disponible en anglais sur http://www.italaw.com/sites/default/files/case-documents/italaw8538.pdf.

Joe Zhang est conseiller en droit international et travaille pour le programme Investissement étranger et développement durable à l’IISD.