Group of people harvesting potatoes next to two tractors with trailers, aerial view.
Policy Analysis

La crise alimentaire mondiale pourrait figurer au premier plan des négociations sur l’agriculture à la CM12

La sécurité alimentaire mondiale est au bord de la crise alors que les effets de la pandémie de COVID-19 et de la guerre en Ukraine se font sentir sur les approvisionnements et les marchés alimentaires mondiaux. Facundo Calvo de l’IISD discute des implications pour les négociations sur l’agriculture menées lors de la 12ème Conférence ministérielle de l’Organisation mondiale du commerce, et indique les domaines où des résultats concrets pourraient être atteints.

Par Facundo Calvo on 7 juin 2022

Comme nous l’indiquions dans notre précédent article sur les négociations sur l’agriculture à l’Organisation mondiale du commerce à la fin 2021, il s’avère de plus en plus difficile d’atteindre un consensus sur les sept piliers de négociation que sont le soutien interne, l’accès aux marchés, la concurrence à l’exportation, les restrictions à l’exportation, le coton, la détention de stocks publics aux fins de la sécurité alimentaire (DSP), et le mécanisme de sauvegarde spéciale (MSS).

Pourtant, l’impasse actuelle des négociations sur l’agriculture à l’OMC font face à un autre défi de taille : la crise alimentaire mondiale. L’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) a récemment indiqué que la famine s’était aggravée dans le monde pendant la pandémie de COVID-19, et que 720 à 811 millions de personnes ont été confrontées à la faim en 2020. L’invasion de l’Ukraine par la Russie en février a accentué la crise alimentaire. D’après l’Institut international de recherche sur les politiques alimentaires, la guerre en cours en Ukraine a secoué les marchés mondiaux, a provoqué des conséquences adverses pour les approvisionnements en céréales, et les perturbations des marchés du gaz naturel et des engrais ont impacté les producteurs, poussant à la hausse les prix déjà élevés des denrées alimentaires ; tout cela aura de graves conséquences pour les pays à faible revenu importateurs nets de denrées alimentaires.

L’impasse actuelle des négociations sur l’agriculture à l’OMC font face à un autre défi de taille : la crise alimentaire mondiale.

Sans surprises, les discussions des négociateurs de l’agriculture à Genève ont également porté sur la manière dont les membres de l’OMC peuvent répondre à cette crise, et moins sur le projet de texte pour les sept piliers de négociation. Mais même si l’invasion russe de l’Ukraine se traduit par un engagement moindre en faveur d’un consensus sur ces piliers de négociation, il reste possible d’atteindre des résultats dans certains domaines : (i) un appel pour une action concrète visant à lutter contre la crise alimentaire lancé par un sous-groupe de membres de l’OMC, (ii) une décision de ne pas imposer de prohibitions ou de restrictions aux exportations des denrées alimentaires acquises à des fins humanitaires non commerciales par le Programme alimentaire mondial (PAM), (iii) quelques améliorations dans la question transversale de la transparence, et (iv) des programmes de travail pour les sept piliers de négociation.

Un appel pour une action concrète visant à lutter contre la crise alimentaire lancé par un sous-groupe de membres de l’OMC cherche à « maintenir l’ouverture des marchés agricoles » et à « assurer les flux de produits agricoles ». Un appel général de ce type, accompagné d’une référence à l’importance de la transparence dans les échanges agricoles et au rôle central du Système d’information sur les marchés agricoles et d’une poignée d’organisations internationales dans la fourniture d’informations pendant les crises alimentaires mondiales, pourrait être à leur portée des négociateurs.

Plusieurs experts ont adressé ce message lors du Séminaire de l’OMC sur la sécurité alimentaire, ainsi que lors du Conseil général de l’OMC début mai au moyen d’une déclaration conjointe en faveur d’un commerce ouvert et prévisible des produits agricoles et alimentaires présentée par le Royaume-Uni au nom d’un groupe de 55 membres de l’OMC. Si cette déclaration conjointe ne devait à l’origine n’être adressée qu’au seul Conseil général, certains de ces éléments (par ex. l’importance de marchés agricoles ouverts et transparents) pourraient inspirer les discussions plus larges sur les échanges de produits alimentaires et agricoles lors de la douzième Conférence ministérielle (CM12) de l’OMC, et en faire partie.

Il pourrait s’avérer plus difficile de trouver un accord sur un libellé spécifique pour traiter le problème principal : les restrictions à l’exportation. Si un groupe de membres de l’OMC souhaite restreindre l’usage de cet outil de politique commerciale, un autre groupe de membres préfèrerait conserver une certaine marge de manœuvre pour adopter des restrictions à l’exportation si les circonstances l’exigent. Le premier groupe souligne que les restrictions à l’exportation pourraient accroître les incertitudes et la volatilité des prix sur les marchés agricoles mondiaux, tout au moins l’usage d’autres mesures restreignant les échanges adoptées par d’autres membres de l’OMC. Le deuxième groupe argue que les restrictions à l’exportation sont nécessaires pour répondre aux préoccupations liées à la sécurité alimentaire. Dans un esprit de compromis, un groupe de membres de l’OMC pourrait convenir de lancer un appel général à l’amélioration de la transparence et du suivi de la mise en œuvre de ces mesures par le Comité de l’OMC sur l’agriculture (COA). Cet appel général pourrait faire référence à la nécessité de mettre en œuvre des restrictions à l’exportation ciblées, proportionnelles et temporaires conformément aux règles de l’OMC, et de notifier ces restrictions à l’exportation au COA le plus rapidement possible.

Il pourrait s’avérer plus difficile de trouver un accord sur un libellé spécifique pour traiter le problème principal : les restrictions à l’exportation.

Compte tenu de son objectif humanitaire, une décision de ne pas imposer de prohibitions ou de restrictions aux exportations des denrées alimentaires acquises à des fins humanitaires non commerciales par le Programme alimentaire mondial, appelée la dérogation du PAM, semble à la portée de la CM12. Ces restrictions à l’exportation auraient affecté l’efficacité des programmes d’achat de denrées du PAM, entraînant des délais plus longs, des coûts de transport plus élevés, et, dans le cas des prohibitions aux exportations, la sous-alimentation et la hausse des prix des achats publics. Comme le précise une communication de Singapour au COA lors d’une session spéciale à la fin de 2020, les restrictions à l’exportation affectent le travail du PAM, notamment en entraînant l’annulation des contrats d’achat en soutien des personnes vulnérables.

Exacerbant davantage cette sombre perspective pour la faim dans le monde, les répercussions du conflit en Ukraine risquent d’accroître l’insécurité alimentaire aigüe dans le monde. Le PAM estime que 47 millions de personnes supplémentaires, sur une base de référence de 276 millions de personnes avant la guerre déjà en proie à la faim aiguë, pourraient se retrouver en situation d’insécurité alimentaire aiguë en 2022. Le conflit représente un argument fort en faveur de la dérogation du PAM : si l’augmentation des prix des denrées alimentaires résultant des pénuries attendues réduit la capacité du PAM d’acheter suffisamment d’aliments pour ses programmes d’aide, les restrictions à l’exportation aggravent encore le problème en limitant la capacité du PAM d’acheter la nourriture nécessaire à l’aide essentielle aux personnes les plus vulnérables.

Si le travail humanitaire du PAM, qui a reçu le Prix Nobel de la paix en 2020 pour ses efforts de lutte contre la faim, n’est pas remis en question, les membres de l’OMC discutent encore de la portée de la dérogation du PAM. En principe, le libellé d’une dérogation serait le suivant :

Nous nous engageons à ne pas imposer de prohibitions ou restrictions à l’exportation de produits alimentaires achetés à des fins humanitaires non commerciales par le Programme alimentaire mondial.

L’adoption d’une politique relative aux achats locaux et régionaux de produits alimentaires par le PAM en 2019 devrait certainement faciliter l’atteinte d’un consensus à la CM12. Cette politique est fondée sur le principe de « ne pas nuire » dans le cadre des achats d’aliments pour lutter contre la faim et sauver des vies, et tient compte de toute éventuelle incidence de ces achats. Cela implique entre autres, que le PAM cherche à (i) acheter des denrées alimentaires dans les pays membres connaissant une production excédentaire et (ii) évite d’acheter des denrées alimentaires lorsque cela risque d’entraîner la hausse des prix des aliments, menaçant au final la sécurité alimentaire des membres de l’OMC qui fournissent ces denrées.

Une meilleure compréhension d’autres aspects du travail du PAM pourrait également contribuer à dégager un consensus sur la dérogation. Par exemple, le fait que les achats alimentaires du PAM représentent moins de 1 % des achats alimentaires mondiaux. Ou, non moins important, le fait que le PAM mène actuellement sa première étude d’impact sur les économies locales en 2021 pour évaluer les effets du cycle complet des activités de la chaîne d’approvisionnement (de la planification jusqu’aux achats, en passant par le transport) sur les économies locales et les petits producteurs.

Malgré cela, certains membres de l’OMC se sont dit préoccupés quant à la nécessité de maintenir une marge de manœuvre politique, c’est-à-dire de ne pas limiter la capacité des pays à imposer des restrictions à l’exportation si les circonstances l’exigent. Le rapport de la présidente de novembre 2021 (qui, en date de mai 2022, est le texte public de négociation le plus récent sur la dérogation du PAM, puisque les discussions évoluent continuellement) contient deux notes de pied de page que des membres de l’OMC ont suggéré d’ajouter au projet de libellé pour répondre à ces préoccupations :

  1. Rappelant l’article 12 de l’Accord sur l’agriculture et l’article XI du GATT de 1994.
  2. Sous réserve que la disponibilité dans le pays des produits alimentaires achetés ne soit pas compromise par ces achats.

La première note fait référence à l’article 12 de l’Accord sur l’agriculture, qui devrait être lu conjointement avec l’article XI.2(a) de l’Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce de 1994 (GATT de 1994). L’ajout de cette note vise à souligner que l’interdiction générale des restrictions quantitatives au titre de l’article XI du GATT de 1994 ne s’applique pas aux restrictions à l’exportation conçues pour prévenir ou atténuer « une situation critique » due à une pénurie de produits alimentaires lorsque les deux conditions fixées à l’article 12 de l’Accord sur l’agriculture sont respectées : (i) prendre dûment en considération les effets de ces restrictions à l’exportation sur la sécurité alimentaire des membres importateurs et (ii) l’envoi d’un avis écrit au COA. La deuxième note fera certainement l’objet d’opposition parmi les rédacteurs, car elle pourrait impliquer un effet négatif sur la sécurité alimentaire des membres de l’OMC, ce qui est contraire au principe de « ne pas nuire et au mandat général du PAM.

Pour faire avancer les choses, l’on pourrait envisager de clarifier que les membres de l’OMC ont le droit d’adopter des mesures pour garantir leur sécurité alimentaire conformément aux disciplines pertinentes de l’OMC.

Dans ce contexte, et pour faire avancer les choses, l’on pourrait envisager de clarifier que les membres de l’OMC ont le droit d’adopter des mesures pour garantir leur sécurité alimentaire conformément aux disciplines pertinentes de l’OMC. Cette alternative pourrait offrir suffisamment de marge de manœuvre politique aux membres réticents tout en préservant le principal objectif de la dérogation du PAM, qui est de fournir des denrées alimentaires aux plus nécessiteux.

Au-delà de ces nuances, le libellé qui sera finalement approuvé devrait viser à faciliter le travail du PAM, en plus de démontrer que l’OMC est capable d’atteindre un résultat symbolique important dans le domaine de l’agriculture alors que les négociations fondées sur un texte pour d’autres piliers tels que le soutien interne, la DSP ou l’accès aux marchés n’ont guère progressé. Pour se faire, la dérogation du PAM devrait trouver un équilibre et permettre au PAM de fournir l’aide alimentaire en situation d’urgence d’une part, tout en tenant dûment compte des préoccupations des membres de l’OMC fournisseurs quant à la disponibilité des produits alimentaires. S’il existe un consensus quant à la nécessité de préserver la marge de manœuvre politique des membres de l’OMC, cela devrait être fait de manière à ne pas entraver le principal objectif de la négociation d’une dérogation du PAM à l’OMC. En d’autres termes, une note de pied de page ou un deuxième paragraphe qui dilue le libellé du premier paragraphe contenant la dérogation du PAM ne serait vraiment pas un résultat optimal des négociations sur l’agriculture à la CM12 de l’OMC.

Le libellé qui sera finalement approuvé devrait viser à faciliter le travail du PAM, en plus de démontrer que l’OMC est capable d’atteindre un résultat symbolique important dans le domaine de l’agriculture.

La transparence est un autre domaine où les membres de l’OMC pourraient présenter un résultat à la CM12. En effet, fin mars 2022, des progrès ont été réalisés lorsque le Conseil général a adopté une décision sur le mécanisme de Bali applicable en cas de sous-utilisation des contingents tarifaires pour répondre au problème de la sous-utilisation des contingents tarifaires (CT) visant les produits agricoles. La Décision de Bali sur les CT de 2013 concerne les situations où les CT d’un membre de l’OMC sont sous-utilisés pendant une période de temps donnée. Il est intéressant de remarquer que la décision sur le mécanisme de Bali applicable en cas de sous-utilisation des contingents tarifaires est survenue lors de la session régulière du COA, dont la fonction consiste à contrôler la mise en œuvre des engagements pris par les membres de l’OMC. Ce résultat fructueux démontre que s’agissant de la transparence et de la mise en œuvre des engagements existants (par ex. la Décision de Bali sur les CT de 2013), d’importants progrès peuvent être réalisés en dehors d’une conférence ministérielle, par exemple grâce à une décision du Conseil général fondée sur le consensus dégagé antérieurement dans le cadre d’un organe régulier de l’OMC qui se réunit quelques fois dans l’année.

Quelques améliorations de la question transversale de la transparence pourraient faire partie d’un résultat plus large à la CM12. Certains membres souhaitent par exemple réviser le libellé du document G/AG/2, qui présente les prescriptions en matière de notifications. Les membres pourraient décider de réviser ces prescriptions le cas échéant. Une décision sur la transparence pourrait également mentionner les défis auxquels certains membres de l’OMC, notamment parmi les pays en développement et les moins avancés, font face pour respecter les prescriptions en matière de notification, ainsi qu’à la nécessité pour le secrétariat de l’OMC d’apporter une assistance technique à ces membres pour les aider à préparer leurs notifications. La reconnaissance des difficultés rencontrées par les membres de l’OMC en développement et les moins développés dans une décision sur la transparence pourrait par exemple prendre la forme d’une large référence au rôle joué par le secrétariat de l’OMC dans la fourniture d’une assistance technique, ou d’une prescription plus spécifique visant à simplifier le processus de notification et allouer plus de temps aux membres en développement et les moins avancés.

Malgré ces résultats possibles pour la CM12, un appel à l’action pour lutter contre la crise alimentaire, la dérogation du PAM ou quelques améliorations de la transparence ne suffiront pas à masquer le fait que les positions dans les sept domaines de négociation restent très éloignées. Si les membres de l’OMC ne parviennent pas à trouver un moyen de combler ces écarts, il est fort probable que ces domaines de négociation produiront des programmes de travail pour orienter les discussions sur l’agriculture post-CM12.

Le soutien interne continue d’être le centre d’intérêt d’un grand nombre de membres de l’OMC, tant développés qu’en développement.

Le soutien interne continue d’être le centre d’intérêt d’un grand nombre de membres de l’OMC, tant développés qu’en développement. Comme l’indique une communication récente du groupe des Pays les moins avancés (PMA), les effets de distorsion des échanges du soutien interne à l’agriculture continuent d’évincer les producteurs des PMA des marchés mondiaux tout en créant des conditions de concurrence déloyale, et entravant directement le développement et la sécurité alimentaire des PMA. Ces conditions sont particulièrement notoires dans le cas du soutien interne au coton, où les membres de l’OMC n’ont pas réussi à répondre au problème de manière ambitieuse, rapide et spécifique dans le cadre des négociations sur l’agriculture, comme l’a rappelé la Déclaration ministérielle de Hong Kong de 2005 et tel que l’exigeait la Décision du Conseil général du 1er août 2004.

Une communication de l’Australie et de la Nouvelle-Zélande de la fin 2019 souligne que, depuis 2001, le soutien interne ayant des effets de distorsion des échanges a plus que doublé, et avertit que si la tendance se poursuit, le soutien interne ayant des effets de distorsion des échanges pourrait représenter 2 000 milliards USD d’ici à 2030. Malgré le large accord quant aux effets négatifs du soutien interne sur les échanges, les positions quant à la manière de limiter les subventions agricoles à l’OMC diffèrent grandement. Si un groupe de membres de l’OMC aimerait voir un objectif de réduction (par ex. 50 %) et un calendrier précis (par ex. d’ici à 2030) pour la réduction du soutien interne ayant des effets de distorsion des échanges, d’autres considèrent que cela n’est pas réaliste et préfèrent des engagements moins lourds (par ex. des « réductions substantielles » du soutien interne ayant des effets de distorsion des échanges).

Par ailleurs, le maintien des subventions à l’investissement généralement disponibles pour l’agriculture et des subventions aux intrants généralement disponibles pour les producteurs à faible revenus et pauvres en ressources des pays en développement (article 6.2 de l’Accord sur l’agriculture) continue d’être une priorité pour bon nombre de membres de l’OMC en développement. Une autre préoccupation soulevée par les délégations concerne la mesure globale du soutien (MGS) disponible pour un groupe de membres de l’OMC en plus du niveau autorisé de minimis disponible pour l’ensemble des membres.

Un rapport récent du Fonds monétaire international, de l’Organisation pour la coopération et le développement économique, la Banque mondiale et l’OMC affirmait que les subventions « semblent être largement répandues, en augmentation et souvent mal ciblées par rapport aux objectifs de politique générale visés ». C’est certainement le cas dans l’agriculture. D’après le rapport de l’OCDE Politiques agricoles : suivi et évaluation 2021, plus de 60 % du soutien aux producteurs agricoles entre 2018 et 2020 leur a été apporté au moyen d’instruments ayant d’éventuels effets de distorsion, à savoir le soutien des prix du marchés et les paiements liés à la production ou à l’utilisation d’intrants sans contraintes.

Dernier point, mais non des moindres, la réduction des niveaux autorisés de soutien interne est liée à des préoccupations importantes de durabilité, telles que la protection de l’environnement. À cet égard, les discussions structurées récentes à l’OMC sur le commerce et la durabilité environnementale pourraient faire la lumière sur certaines formes de subventions agricoles qui portent atteinte non seulement aux échanges, mais également à l’environnement (par ex. le soutien qui promeut la surutilisation d’engrais ou de ressources naturelles telles que l’eau, ou qui encourage la monoculture).

Bon nombre d’entre eux considèrent les négociations en vue d’une solution permanente pour les programmes de DSP comme un nœud gordien qui, s’il n’est pas délié, pourrait faciliter et étendre les résultats dans d’autres piliers clés des discussions sur l’agriculture et au-delà.

La DSP est un autre domaine de négociation d’importance majeure pour bon nombre de pays en développement, notamment ceux du G33, qui rassemble de grands membres de l’OMC tels que la Chine, l’Inde, l’Indonésie et le groupe africain. Bon nombre d’entre eux considèrent les négociations en vue d’une solution permanente pour les programmes de DSP (existants et nouveaux) comme un nœud gordien qui, s’il n’est pas délié, pourrait faciliter et étendre les résultats dans d’autres piliers clés des discussions sur l’agriculture et au-delà, comme par exemple un accord longuement attendu pour limiter les subventions à la pêche (voir l’article sur les subventions à la pêche et la CM12). Comme l’a souligné l’un des intervenants lors du Séminaire de l’OMC sur la sécurité alimentaire, la « négociation d’une solution permanente pour la DSP, sur la base de preuves, représente la meilleure chance d’équilibrer les intérêts de tous les membres [de l’OMC] et de garantir que la sécurité alimentaire d’autres membres [de l’OMC] ne soit pas affectée ».

Un rapport de l’Institut international du développement durable pourrait faire la lumière sur les éventuels domaines pour lesquels la tenue de discussions plus techniques à l’OMC pourrait être utile. Ce rapport examine les avantages et inconvénients des diverses manières d’avancer sur la question de la DSP, notamment en (i) mettant à jour la période de base pour le calcul de la MGS et (ii) en révisant la définition de la production admissible. La mise à jour de la période de base pour le calcul de la MGS aiderait à identifier le degré de distorsion découlant des politiques des prix minimaux de soutien. Il faudrait pour cela prendre en compte l’inflation des prix depuis la fin des années 1980, qui affecte l’écart entre les prix administrés et le prix de référence externe actuellement utilisé, qui remonte au milieu des années 1980.

Un deuxième aspect technique important concerne la définition de la « production admissible », c’est-à-dire la quantité de production pouvant bénéficier du prix administré. Si l’organe d’appel de l’affaire Corée – Bœuf a clarifié que la production admissible « désigne la production qui est "apte ou habilitée" à être achetée plutôt que la production qui a effectivement été achetée », il a également noté que dans certaines circonstances, la production admissible peut être inférieure. Puisque l’Accord sur l’agriculture ne définit pas la production admissible, la révision de ce concept pourrait offrir une voie aux membres de l’OMC pour résoudre les problèmes rencontrés par les pays en développement qui achètent les denrées alimentaires à des prix administrés au titre de leurs programmes de détention de stocks publics.

D’autres communications sur des aspects techniques de ce type pourraient contribuer à faire avancer les négociations en faveur d’une solution permanente sur la DSP. Pourtant, une telle décision devra encore aborder deux préoccupations importantes des opposants pour espérer pouvoir faire consensus lors de la CM12 : (i) les stocks acquis au titre des programmes DSP ne doivent pas créer de distorsion des échanges ou porter atteinte à la sécurité alimentaire d’autres membres de l’OMC, et (ii) ces stocks ne peuvent faire l’objet d’aucune exportation directe ou indirecte. Les libellés des propositions les plus récentes des partisans (les groupes africains, des ACP et du G33) et d’un opposant (le Brésil) montrent que les positions des membres de l’OMC sur la question restent très éloignées.

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