Fusion des Programmes de lutte contre la pauvreté et des Programmes environnementaux
TOUJOURS UNE SEULE TERRE : Leçons tirées de 50 années de politique de développement durable des Nations unies
Le changement climatique, les conflits et la COVID-19 obligent à réévaluer notre approche de la lutte contre la pauvreté tout en faisant face à une urgence planétaire. Cette note explore l'évolution de la compréhension de la manière dont la pauvreté et l'environnement sont liés, tout en envisageant des solutions telles que la réduction de la consommation excessive de ressources par les 10% les plus riches et le déplacement de l'accent mis par les gouvernements sur les communications du PIB et des emplois vers des indices de bien-être national qui incluent les personnes historiquement marginalisées et l'environnement. (Télécharger PDF) (Lire les notes de synthèse de Toujours Qu'Une Seule Terre)
Les 1% les plus riches du monde possèdent 44% des richesses mondiales, alors que près de la moitié de la population mondiale se débrouille avec moins de 5,50 USD par jour. La consommation moyenne de pétrole et d’autres ressources est jusqu'à 30 fois plus élevée dans les pays riches que dans les pays pauvres. Parmi les pauvres, les femmes sont plus susceptibles d’occuper des postes de travail peu ou pas rémunérés, tandis que les ménages dirigés par des femmes comptent parmi les plus pauvres du monde. Dans les pays en développement, un enfant né de parents pauvres a deux fois plus de risques de mourir avant l'âge de cinq ans qu'un enfant né dans une famille aisée.
Lorsque je nourris les pauvres, ils m’appellent un saint. Lorsque je demande pourquoi tant de gens sont pauvres, ils m’appellent un communiste.
Nous vivons dans un monde des inégalités, où le manque de nourriture et d'autres produits de premières nécessités constitue un symptôme de problèmes systémiques plus profonds. Les tentatives pour résoudre les défis environnementaux mondiaux doivent tenir compte de la nature et de l'ampleur des besoins humains dans le monde. Le changement climatique, la perte de biodiversité, la dégradation des terres, la pollution et d'autres aspects du changement environnemental mondial ne sont pas seulement des problèmes environnementaux; ils constituent aussi des problèmes économiques et sociaux.
D'un point de vue environnemental, la pauvreté et les modes de production et de consommation non durables sont les principaux moteurs de la dégradation de l'environnement. En même temps, la dégradation de l'environnement et le changement climatique peuvent conduire à la pauvreté. Bien qu’il n’existe pas de solution facile, la pauvreté et l'environnement doivent être abordés ensemble.
Définir et Redéfinir la Pauvreté
Jusqu’aux années 1970, le revenu des ménages était le critère couramment utilisé pour mesurer la pauvreté, en fonction de ce qui était nécessaire pour accéder aux produits de première nécessité tels que la nourriture, le carburant, le logement et les vêtements (ONU DAES, 2015). Au fil du temps, cet indicateur économique a été progressivement complété par des approches plus complexes.
Introduite par la Conférence mondiale sur l’emploi de l’Organisation internationale du travail en 1976 (Jolly 1976), l’approche des «besoins fondamentaux» se concentrait sur une série de besoins humains au-delà de la nourriture et du logement, y compris les services sociaux tels que les soins de santé et l’éducation. Tout en présentant une image plus complète du bien-être des personnes, l’approche des besoins fondamentaux était toujours axée sur la consommation. Dans les années 1980, l'économiste indien Amartya Sen a plutôt soutenu que la pauvreté était un concept complexe et multidimensionnel. Ce qui compte, ce sont la liberté et les «capacités» pour atteindre le bien-être, plutôt que le minimum nécessaire à la survie physique (Sen, 2001).
S'appuyant sur le travail de Sen avec l'économiste Mahbub ul Haq, le Programme des Nations unies pour le Développement (PNUD) a introduit l'Indice de développement humain (IDH) en 1990, qui adopte une approche multidimensionnelle de la pauvreté en examinant différentes mesures de la privation, afin de fournir un chiffre unique et composite pour chaque pays. Les Rapports annuels sur le développement humain qui utilisent l'IDH fournissent un moyen pour comparer les pays, mais en passant sous silence les différences importantes au sein des pays et entre les différents groupes de population. Les hommes et les femmes, par exemple, peuvent vivre la privation différemment. Le bien-être économique ne se traduit pas nécessairement par de plus grandes libertés pour les femmes et les filles, les peuples autochtones, les personnes handicapées et d'autres groupes marginalisés.
En réponse aux critiques, le PNUD a introduit en 1995 de nouvelles méthodes pour mesurer le bien-être, notamment une mesure de l’autonomisation par sexes, qui prenait en compte la représentation des femmes dans les parlements nationaux, les postes de décision économique et la part des femmes dans le revenu.
Certaines dimensions environnementales de la pauvreté telles que la disponibilité en eau potable et en installations sanitaires, et de protection contre les maladies transmises par les moustiques telles que le paludisme, ont été prises en compte dans les Objectifs du Millénaire pour le développement (OMD). Issus de la Déclaration du Millénaire, adoptée par l'Assemblée générale des Nations unies en 2000 dans la résolution 55/2, les OMD ont formellement admis que certains facteurs environnementaux soient pris en compte dans les évaluations de la pauvreté. Cependant, la durabilité de l’environnement et les risques tels que la pollution par les produits chimiques, les déchets et les émissions des véhicules à moteur n'étaient pas suffisamment pris en compte (Shyamsundar, 2002).
Plus récemment, des dimensions spécifiques de la pauvreté, telles que le manque d'accès à l'eau ou à l'énergie, ont influencé la planification du développement. Pour la première fois, le Rapport sur le développement humain 2020 du PNUD a apporté une perspective planétaire à son évaluation, en prenant en compte les émissions de carbone et l'empreinte matérielle respectives des pays. Le résultat est un nouvel indice: l'Indice de Développement humain ajusté aux pressions planétaires. Sur la base de cette nouvelle mesure intégrée, plus de 50 pays précédemment classés comme «très élevés» en termes de développement humain ont perdu ce statut en raison de leur dépendance aux combustibles fossiles et de leur forte consommation de matières premières.
Reconnaître la Relation pauvreté-environnement dans les négociations mondiales
La relation entre la pauvreté et l'environnement a été discutée, débattue et étudiée pendant de nombreuses années, peut-être d’aussi loin que les écrits de Thomas Malthus au début du XIXe siècle sur la croissance démographique, la pauvreté et la dégradation des ressources naturelles. Lors de la première grande conférence mondiale sur l’environnement, la Conférence des Nations unies sur l’environnement humain tenue en 1972 à Stockholm, en Suède, les délégués ont reconnu l’inégalité entre les nations et proposé des actions pour soutenir les pays en développement par une assistance financière et technologique afin de relever les défis environnementaux.
Le Plan d’Action associé de la conférence reflétait la pensée dominante du développement à l’époque: l’accès aux marchés internationaux était la clé pour sortir les populations et les pays de la pauvreté. Le développement était considéré comme essentiellement économique, le succès ou l'échec étant mesuré par les variations du PIB. La question de la limite des ressources ressources de la Terre a été mise de côté, bien que la Déclaration de Stockholm ait appelé à la retenue dans l’utilisation des ressources non renouvelables.
La Commission mondiale sur l'environnement et le développement (CMED) de 1987 a ajouté des idées sur la qualité du développement. Présidée par la Première ministre norvégienne Gro Harlem Brundtland, la CMDE a popularisé la définition du développement durable dans son rapport, "Notre avenir à tous", comme un développement qui «répond aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures à répondre aux leurs». Cette définition a introduit un élément intergénérationnel dans la prise de décision sur le développement et a mis en évidence notre responsabilité envers les autres, y compris les générations à naître. Elle a réussi à marier les préoccupations de développement humain et de durabilité environnementale, sans imposer de marqueurs spécifiques.
L’articulation de la relation entre la pauvreté et l’environnement a évolué au fil des conférences mondiales et des plans d’action ultérieurs. La Déclaration de Rio de 1992 et l'Agenda 21, adopté au Sommet de la Terre de Rio, stipulent qu'une politique environnementale axée principalement sur la conservation et la protection des ressources doit tenir compte de ceux qui dépendent de ces ressources pour leur subsistance. Tout manquement à cette obligation pourrait avoir un impact négatif sur les pauvres et sur l'environnement. Une politique de développement axée sur l'augmentation de la production de biens, sans tenir compte de la durabilité des ressources nécessaires à ces biens, entraînera une baisse de la productivité et aura un impact négatif sur les pauvres (paragraphe 3.2).
Tous les États et tous les peuples doivent coopérer à la tâche essentielle d'éradication de la pauvreté, condition indispensable du développement durable, afin de réduire les disparités de niveau de vie, et de mieux répondre aux besoins de la majorité des peuples du monde.
Le Principe 5 de la Déclaration de Rio sur la relation entre la pauvreté et le développement durable a été repris dans le Principe 7 du Programme d’action adopté lors de la Conférence internationale de 1994 sur la population et le développement. Le Principe 16 de la Déclaration de Pékin adoptée lors de la quatrième Conférence mondiale sur les Femmes en 1995, s'appuyait également sur la Déclaration de Rio, mais soulignait l'importance des femmes dans la réalisation de l'éradication de la pauvreté et du développement durable. Le Plan de mise en œuvre de Johannesburg de 2002, adopté lors du Sommet mondial pour le développement durable, a souligné que la réduction de la pauvreté était «le plus grand défi mondial auquel le monde est confronté aujourd'hui et une condition indispensable du développement durable, en particulier pour les pays en développement» (paragraphe 7).
Dix ans plus tard, lors de la Conférence des Nations unies sur le développement durable (Rio+20), le document final, intitulé "L'avenir que nous voulons", a reconnu que les progrès réalisés en matière de développement durable et d'éradication de la pauvreté étaient inégaux (paragraphe 19). "L'Avenir que nous voulons" a également appelé à des négociations sur un ensemble d'objectifs universels de développement durable qui devraient aborder et intégrer de manière équilibrée les trois dimensions du développement durable (sociale, économique et environnementale) et leurs interdépendances (paragraphes 246-247) - appel qui a abouti à l'adoption par l'Assemblée générale des Nations unies de l'Agenda 2030 pour le développement durable et de ses 17 Objectifs de développement durable (ODD) en 2015. L'Agenda 2030, s'appuyant sur les résultats des conférences qui l'ont précédé et les enseignements tirés de la mise en œuvre des OMD, définit un cadre d'engagements qui combinent plus concrètement que jamais les objectifs environnementaux et d'éradication de la pauvreté, avec 169 cibles et 231 indicateurs uniques pour mesurer les progrès.
Nous sommes résolus, d'ici à 2030, à : mettre fin à la pauvreté et à la faim partout; lutter contre les inégalités à l'intérieur et entre les pays; construire des sociétés pacifiques, justes et inclusives; protéger les droits de l'homme et promouvoir l'égalité des sexes et l'autonomisation des femmes et des filles; et assurer la protection durable de la planète et de ses ressources naturelles.
Défis nouveaux et permanents
Malgré des décennies de travail pour définir la pauvreté et essayer de rapprocher les programmes environnementaux et d’éradication de la pauvreté, les populations sont toujours pauvres et les écosystèmes de la Terre sont au bord de l’effondrement. D'un point de vue mondial, l'effondrement de l'écosystème rendra tout le monde plus pauvre. A l’inverse, l'exclusion et la souffrance dans les économies qui privilégient le profit au détriment des personnes - en d'autres termes, la pauvreté - peuvent conduire à des choix de gestion des ressources à court terme, au détriment de la qualité environnementale à long terme. Dans l'arène multilatérale, une question importante est de savoir si les pays pauvres sont des «victimes» ou des «agents» de la dégradation de l'environnement (Shyamsundar, 2002, p.13).
Le chevauchement entre les programmes de lutte contre la pauvreté et les programmes de protection de l'environnement n'est nulle part mieux illustré que par le changement climatique, les conflits en cours et la pandémie de COVID-19.
Changement climatique : L'ONU estime que, de 1998 à 2017, les pertes économiques directes dues aux catastrophes ont atteint près de 3 000 milliards USD, les catastrophes liées au climat représentant 77% du total (2019, p. 23). Au cours de cette période, les catastrophes climatiques et géophysiques ont fait environ 1,3 million de morts. Plus de 90% de toutes les catastrophes ont été causées par des inondations, des tempêtes, des sécheresses, des vagues de chaleur ou d'autres événements météorologiques extrêmes exacerbés par le changement climatique.
Les pertes économiques résultant des catastrophes liées au changement climatique sont beaucoup plus élevées dans les pays les plus pauvres (ONU 2019, p. 23).
La pauvreté est un facteur sous-jacent important des risques de catastrophe, et les pays et les populations les plus pauvres subissent une part disproportionnée des dommages et des pertes en vies humaines attribués au changement climatique. Les températures plus élevées, l'élévation du niveau de la mer, les phénomènes météorologiques extrêmes et les autres conséquences du changement climatique touchent tous les pays, et les conséquences les plus graves touchent principalement les pays les moins avancés et les petits États insulaires en développement. Les phénomènes météorologiques extrêmes, qui se traduisent par des sécheresses et des inondations prolongées - exacerbent les inégalités existantes.
Les catastrophes tuent 130 personnes pour un million de personnes dans les pays à faible revenu, et 18 personnes pour un million dans les pays à revenu élevé.
La Banque mondiale estime que le changement climatique entraînera de 68 à 135 millions de personnes dans la pauvreté d'ici 2030, en particulier en Afrique subsaharienne et en Asie du Sud - régions où sont concentrés la plupart des pauvres du monde (Banque mondiale, 2020). Si nous ne réduisons pas les émissions de gaz à effet de serre maintenant, les effets cumulés rendront de nombreuses parties de ces régions inhabitables.
Les pays du Nord considèrent depuis longtemps que les économies émergentes ont la responsabilité de jouer leur rôle dans l’adoption des normes plus strictes en matière d’émissions de gaz à effet de serre. Les pays du Sud, notamment le Brésil, l'Inde, la Chine et l'Afrique du Sud, répliquent que, malgré l'augmentation de leur PIB, beaucoup de leurs habitants restent pauvres et ne devraient pas se voir refuser des opportunités économiques. Ils soulignent que les pays riches ont effectivement «externalisé» leurs responsabilités en matière d'émissions vers les centres de fabrication du Sud, tout en restant libres d'acheter ces produits (Clémençon, 2012).
Il est néanmoins devenu évident que le changement climatique affecte à la fois les programmes environnementaux et ceux de lutte contre la pauvreté (Roe, 2008). Cette prise de conscience bouleverse également la fiction selon laquelle l'ingéniosité humaine et la technologie seront en mesure de résoudre tous les problèmes à l'avenir, à condition de disposer de niveaux de développement économique adéquats.
Conflit : Plus de 40% des personnes vivant dans la pauvreté vivent dans des pays touchés par un conflit et sont les plus touchées par les conflits violents. Ces conflits détruisent leurs moyens de subsistance tout en décourageant de nouveaux investissements dans leurs communautés. Par exemple, les taux d'extrême pauvreté ont presque doublé entre 2015 et 2018 au Moyen-Orient et en Afrique du Nord, sous l'impulsion des conflits en Syrie et au Yémen (Banque mondiale, 2020a). La Banque mondiale estime que 18 à 27 millions de personnes supplémentaires ont été poussées dans la pauvreté en 2020, dans des pays touchés par un conflit (Banque mondiale, 2020b).
Au fur et à mesure que les conflits se poursuivent, la base environnementale dont dépendent les moyens de subsistance de nombreux pauvres dans le monde est affectée de manière négative - directement par le combat ou indirectement dans le chaos et les choix désespérés que la guerre impose. La déforestation augmente souvent en raison de la surexploitation par les communautés qui dépendent soudainement du bois et du charbon de bois pour le combustible et le chauffage. Les dommages causés à l'environnement et sa dégradation peuvent également provenir de l'extraction de ressources (pétrole, minéraux ou bois) utilisées pour financer les conflits. Les camps de réfugiés et de personnes déplacées à l'intérieur de leur propre pays peuvent avoir une empreinte écologique importante, en particulier lorsqu'ils ne disposent pas de services essentiels tels que l'eau, l'assainissement et la gestion des déchets (Observatoire des conflits et de l'environnement, 2020).
COVID-19 : La pandémie de COVID-19 est causée par une zoonose, une maladie transmise d'animaux sauvages à l'homme. La perte de la biodiversité et de l'habitat de la faune sauvage due à la dégradation de l'environnement, a créé les conditions nécessaires à la propagation de la COVID-19. La déforestation, la modification des habitats forestiers, une agriculture mal réglementée et une croissance urbaine mal gérée ont modifié la composition des communautés d’animaux sauvages, augmenté considérablement les contacts entre les humains et les animaux sauvages et modifié les niches qui abritent des agents pathogènes, augmentant ainsi leurs chances de contact avec les humains (Platto et al., 2020).
La COVID-19 a conduit à une crise sanitaire, économique et sociale sans précédent. Dans de nombreux pays, les systèmes de santé sont au bord de l'effondrement. Les moyens de subsistance de la moitié de la population mondiale active ont été gravement touchés. Plus de 1,6 milliard d'élèves ne sont pas scolarisés et 71 millions de personnes sont repoussées dans l'extrême pauvreté et la faim, effaçant les modestes progrès réalisés au cours des 25 dernières années (ONU, 2020).
La pandémie a mis en évidence et exacerbé les inégalités et les injustices systémiques existantes. Dans les pays développés, les taux de mortalité ont été les plus élevés parmi les groupes marginalisés et les personnes de couleur. Dans les pays en développement, les plus marginalisés - y compris ceux qui sont employés dans l'économie informelle, les femmes et les filles, les personnes âgées, les enfants, les personnes handicapées, les autochtones, les migrants et les réfugiés - sont les plus durement touchés (ONU, 2020). Les personnes qui viennent de tomber ou de retomber dans la pauvreté à cause de la pandémie sont probablement plus urbaines et plus éduquées que les pauvres chroniques, plus engagées dans les services informels et la fabrication, et moins dans l'agriculture. En fait, les pays à revenu intermédiaire, comme l'Inde et le Nigéria, pourraient abriter 75% des nouveaux pauvres (Banque mondiale, 2020a).
Le moment de la crise actuelle est extraordinaire. Aucune maladie antérieure n'est devenue une menace mondiale aussi rapidement que la COVID-19. Jamais les personnes les plus pauvres du monde n’ont résidé de manière aussi disproportionnée dans les territoires et pays touchés par des conflits. Les changements dans les modèles météorologiques mondiaux induits par l'activité humaine sont sans précédent.
Perspective d’avenir
Ces trois crises mondiales illustrent l'interdépendance entre la dégradation de l'environnement et la pauvreté. En traitant la terre, l’eau, les forêts et la biodiversité uniquement comme des «ressources» au service des objectifs de développement de l’humanité, l’on ne tient pas compte des limites des systèmes terrestres et de leur rôle dans les services essentiels au maintien de la vie. Cependant, il n’existe pas de solution miracle pour mettre fin à la pauvreté sans dépasser le plafond écologique de la terre et causer des dommages environnementaux irréparables.
Selon Oxfam, la nourriture, l'énergie et les revenus des ménages ne peuvent atteindre des niveaux acceptables pour tous sans dépasser les limites écologiques planétaires. Si dans l'ensemble, il ne sera pas possible, dans le cadre des systèmes mondiaux actuels, que chacun dans le monde consomme au même niveau que les pays les plus riches du monde, la limitation de la consommation excessive de ressources par les 10% les plus riches de la population mondiale permettrait aux plus pauvres de sortir de la pauvreté et contribuerait à garantir que nous restions dans «l'espace sûr et juste pour l'humanité». Les mesures de limitation pourraient inclure les taxes de luxe sur les voitures à hautes performances énergivores, les jets privés, les résidences secondaires et les yachts. Il pourrait également y avoir des allègements fiscaux pour encourager le recyclage, la réparation et la réutilisation des vêtements et autres biens de consommation afin d'éviter de les jeter et d'en acheter de nouveaux.
Ce serait une expression directe de l'Agenda 2030 - un monde plus égalitaire où chacun peut profiter des fruits du développement. La bonne nouvelle est que consommation et bien-être humain ne sont pas étroitement liés: on peut par, exemple, réduire la consommation des combustibles fossiles tout en maintenant une bonne qualité de vie grâce à de nombreuses mesures importantes sur la santé publique, l'espérance de vie et le temps de loisirs (Diamond, 2018).
Pour aller de l'avant, il est essentiel de mesurer et de communiquer de manière globale les changements dans les niveaux de pauvreté, les impacts environnementaux et les relations entre les deux. Le monde a progressivement évolué dans cette direction au cours des cinq dernières décennies, mais la catastrophe unique de la pandémie de COVID-19 a amplifié la nécessité pour les décideurs politiques d'adopter et de défendre des indices de développement humain riches en preuves lorsqu'ils élaborent des interventions. Les gouvernements devraient ajuster leurs communications sur les indicateurs économiques en évitant les messages axés sur le PIB et sur les chiffres de l'emploi, et en mettant l’accent sur des indices de bien-être national qui intègrent les personnes historiquement marginalisées et l'environnement.
Enfin, les décideurs doivent considérer la durabilité environnementale comme un objectif central pour éradiquer la pauvreté. Le changement climatique constitue une menace à long terme pour la planète et une menace pour les moyens de subsistance. La concurrence pour les ressources et les migrations liées à l'environnement peuvent exacerber l'insécurité et les conflits, ce qui compromettrait l’éradication de la pauvreté. La COVID-19 a poussé des millions de personnes dans l'extrême pauvreté et la faim, et a aggravé les inégalités et l'injustice. L’éradication de la pauvreté est donc directement liée à la manière dont nous gérons les écosystèmes et les biens et services qu'ils fournissent. Par exemple, le bien-être et les moyens de subsistance des communautés rurales, en particulier des femmes rurales, dépendent fortement de la santé et de la productivité de la terre. L'égalité d'accès des femmes à la propriété et le contrôle sur les ressources, y compris la terre, peuvent conduire à une plus grande égalité des sexes, à une productivité agricole, à la conservation des ressources naturelles et à une croissance inclusive, autant d'éléments essentiels à l'éradication de la pauvreté.
Comme l'a déclaré le Secrétaire général des Nations unies, António Gutteres, en décembre 2020, « l'extrême pauvreté augmente ; la menace de la famine se profile à l'horizon. Nous sommes confrontés à la plus grande récession mondiale depuis huit décennies. Ces impacts intergénérationnels ne sont pas dus uniquement à la COVID-19. Ils sont le résultat des fragilités, des inégalités et des injustices de long terme qui ont été mises en évidence par la pandémie. Il est temps de s'y remettre. Au moment où nous bâtissons une reprise solide, nous devons saisir l'occasion de changer ».
Travaux consultés
Chasek, P.S., Downie, D.L., et Brown, J.W. (2014). Politique environnementale mondiale, 6e édition. Routledge.
Clémençon, R. (2012). Bienvenue dans l'Anthropocène: Rio + 20 et la signification du développement durable. Journal de l’Environnement et du développement, 21 (3), 311–338. https://doi.org/10.1177/1070496512457289
Observatoire des conflits et de l'environnement (2020). Comment la guerre nuit-elle à l'environnement? https://ceobs.org/how-does-war-damage-the-environment/
Diamond, J. (2018). La consommation élevée de certains pays nous met tous en danger. National Geographic. https://www.nationalgeographic.com/magazine/2018/12/inequality-rich-poor-essay-jared-diamond/
Jolly, R. (1976). La Conférence mondiale sur l'emploi: le couronnement des besoins fondamentaux. Revue de la politique de développement. A9 (2): 31–44.
Platto, S., Zhou, J., Wang, Y., Wang, H., et Carafoli, E. (2020). Perte de biodiversité et pandémie de la COVID-19: le rôle des chauves-souris dans l'origine et la propagation de la maladie. Communications de recherche biochimique et biophysique, S0006-291X (20) 31943-4. https://doi.org/10.1016/j.bbrc.2020.10.028
Raworth, K. (2017). A Doughnut for the Anthropocene : une boussole du bien-être de l’humanité au XXIe siècle. The Lancet Planetary Health, 1 (2), e48-e49.
Roe, D. (2008). Les origines et l'évolution du débat conservation-pauvreté: une revue de la littérature, des événements et des processus politiques clés. Oryx, 42 (4), 491-503. https://doi.org/10.1017/S0030605308002032
Sen. A 92001). Développement en tant que liberté. Oxford.
Shyamsundar, P. (2002). Indicateurs de pauvreté-environnement. Environnemental Economics, Series, document n ° 84, Banque mondiale. http://documents1.worldbank.org/cured/en/474441468324048267/pdf/247540REV ISED01cators200201PUBLIC10.pdf
Département des Affaires économiques et sociales des Nations unies. (2015). Pauvreté multidimensionnelle, problèmes de développement, 3. https://www.un.org/en/development/desa/policy/wess/wess_dev_ issues / dsp_policy_03.pdf
Nations unies. (2019). Le Rapport sur les Objectifs de développement durable 2019. https://unstats.un.org/sdgs/report/2019/The-Sustainable-Development-Goals-Report-2019.pdf
Nations unies. (2020). Le Rapport sur les Objectifs de développement durable 2020. https://unstats.un.org/sdgs/report/2020/The-Sustainable-Development-Goals-Report-2020.pdf
Banque mondiale. (2020a). Nécessité urgente d’une action mondiale pour mettre fin aux menaces historiques qui pèsent sur la réduction de la pauvreté. https://www.worldbank.org/en/news/feature/2020/10/07/global-action-urgently-needed-to-halt-historic-threats-to-poverty-reduction
Banque mondiale. (2020b). Aperçu de la fragilité, des conflits et de la violence. https://www.worldbank.org/en/topic/fragilityconflictviolence/overview
You might also be interested in
The Rising Pressures on Ocean Governance
The ocean is under serious threat. Stressors include overfishing, marine pollution, habitat destruction, and acidification.
Border Carbon Adjustment Mechanisms and Impacts on Vietnam
This report consolidates, analyzes, and presents views and perspectives of stakeholders from Vietnam on border carbon adjustment (BCA) schemes to contribute to the global debate on BCA good practices.
Web of resilience
Pakistan's development model has still not recognised the limits of the natural environment and the damage it would cause, if violated, to the sustainability of development and to the health and well-being of its population. Pakistan’s environment journey began with Stockholm Declaration in 1972. A delegation led by Nusrat Bhutto represented the country at the Stockholm meeting, resulting in the establishment of the Urban Affairs Division (UAD), the precursor of today’s Ministry of Climate Change. In setting the country’s environmental agenda, we were inspired by the Stockholm Principles, but in reality, we have mostly ignored them for the last five decades.
The Legacies of the Stockholm Conference
Fifty years after Stockholm, we face a triple planetary crisis of climate change, nature and biodiversity loss, and pollution.