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Égalité de genre : Formule pour accélérer la mise en œuvre du Programme de développement durable à l’horizon 2030

TOUJOURS UNE SEULE TERRE : Leçons tirées de 50 ans de Politique de développement durable des Nations unies

La lutte contre les inégalités entre les sexes - y compris l'accès aux ressources naturelles et leur contrôle - accélère l'impact des politiques de développement durable. Permettre la participation des femmes et la prise de décision à tous les niveaux est une étape importante, mais souvent négligée, vers des politiques efficaces et transformatrices liées au Programme de développement durable à l'horizon 2030. (Télécharger PDF) (Lire les notes de synthèse de Toujours Qu'Une Seule Terre)

Par Nicole de Paula on 23 mars 2021

Les efforts déployés au niveau mondial pour promouvoir l'égalité de genre montrent que les progrès sont lents et inégaux. Si l'accès des femmes à l'éducation et leur part du marché du travail ont augmenté, des écarts subsistent en matière de prise de décision, de perspectives d'avancement, d'accès aux ressources naturelles et de contrôle de ces ressources, et en matière d’égalité de rémunération. La COVID-19 n'a fait qu'exacerber la stagnation sociale, touchant les femmes de manière disproportionnée tout en creusant l'écart de rémunération entre les sexes qui existe depuis longtemps (Banque mondiale, 2021). Bien que les femmes représentent 39 % de la main-d'œuvre mondiale, elles représentaient 54 % des pertes d'emploi liées à la pandémie en mai 2020.

«Shecession» est devenu un terme inquiétant pour décrire notre époque actuelle. Compte tenu de la nature multidimensionnelle de la pandémie, la transition vers une relance verte nécessite une approche intersectorielle.

L'égalité de genre et le développement durable sont indissociables. Bon nombre des obstacles aux politiques de durabilité efficaces se trouvent dans des normes sociales et des systèmes juridiques discriminatoires obsolètes. Investir dans les filles et les femmes ne nécessite pas des inventions radicales, mais peut briser les barrières systémiques de pouvoir et de privilèges qui continuent de laisser des millions de personnes derrière (Global Health 50/50, 2020). Favoriser la participation des femmes à la prise de décision est bénéfique pour notre santé et à notre environnement, deux domaines clés dans lesquels il faut investir pour réaliser une reprise saine (Zeinali et al., 2020).

La bonne nouvelle c'est que de nombreuses personnes et organisations vont dans la bonne direction en combattant les normes sociales défavorables qui continuent à tenir les femmes à l’écart. Les crises sont des moments déterminants de changement et les femmes ne sont pas des victimes. Elles méritent de jouer un rôle égal dans la reprise après une pandémie, et de faire entendre leur voix à tous les niveaux de la prise de décision. La réalisation de l'égalité de genre présente un intérêt pour tous et constitue un moyen rentable d'accélérer la mise en œuvre des Objectifs de développement durable (ODD) des Nations unies.

L'inégalité de genre : Une forme d'injustice qui laisse tout le monde derrière

Dans le monde entier, les femmes et les filles continuent d'être victimes de discrimination et de violence. L'inégalité entre les sexes existe dans tous les secteurs partout dans le monde et freine le progrès et la prospérité de l'humanité. L’Organisation des Nations unies propose quelques chiffres qui illustrent l'ampleur de ce défi : 

  • Dans 155 pays, il existe au moins une loi qui entrave les opportunités économiques des femmes.
  • L'écart de rémunération entre les sexes coûte 160 000 USD à l'économie mondiale.
  • Seulement 23,7 % des parlementaires nationaux sont des femmes.
  • Une femme sur trois subit une forme de violence physique ou sexuelle au cours de sa vie.
  • Les recherches montrent que le coût de la violence contre les femmes pourrait s'élever à environ 2 % du produit intérieur brut (PIB) mondial. Cela équivaut à 1,5 trillion USD, soit environ la taille de l'économie canadienne.

Au-delà de l'objectif normatif de parvenir à l'égalité de genre, les solutions justes en matière de genre ont un sens en termes économiques. Le rapport Women, Business and the Law 2020 du Groupe de la Banque mondiale illustre à quel point «l’égalité des chances est une bonne économie» en soulignant que d’après les estimations, la participation tardive des femmes à l’emploi et à l’entrepreneuriat coûte au monde environ 15% de son PIB.

Efforts internationaux visant à combler l'écart entre les sexes

Les engagements des Nations unies en faveur de la promotion des femmes ont débuté avec la signature de la Charte des Nations unies à San Francisco en 1945. Cependant, sur les 160 signataires, seuls quatre étaient des femmes - Minerva Bernardino (République dominicaine), Virginia Gildersleeve (États-Unis), Bertha Lutz (Brésil) et Wu Yi-Fang (Chine) (ONU Femmes, 2019, p. 4).

L'ONU a créé la Commission de la condition de la femme (CCF) en 1946 pour assurer l'égalité des femmes et promouvoir leurs droits. L'une des premières tâches de la CCF a été de contribuer à la rédaction de la Déclaration universelle des droits de l'homme de 1948, qui reconnaît que «tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits». L'accent mis par la CCF sur la promotion des droits politiques des femmes a débuté à une époque où de nombreux états membres n'avaient pas encore accordé le droit de vote aux femmes, ou l'égalité dans le mariage.

Nous, peuples des Nations unies, résolus... à proclamer à nouveau notre foi dans les droits fondamentaux de l'homme, dans la dignité et la valeur de la personne humaine, dans l'égalité de droits des hommes et des femmes, des nations grandes et petites...

Charte de l'ONU

La Conférence des Nations unies sur l'environnement humain de 1972, première conférence environnementale de l'ONU, n'a pas abordé la question des femmes ou de genre. En fait, le programme des femmes et le programme environnemental au niveau international n’ont été traités ensemble qu’à partir des préparatifs de la Conférence des Nations unies sur l'environnement et le développement (Sommet de la Terre) de 1992, tenue à Rio de Janeiro, au Brésil.

Jalons des Nations unies sur l'autonomisation des femmes : 1975-1985

  • 1975 : La Conférence mondiale de l'Année internationale de la femme a lieu à Mexico.
  • 1976 : Le Fonds de contributions volontaires pour la Décennie des Nations unies pour la femme (qui deviendra l'UNIFEM) est créé pour fournir une assistance financière et technique à des programmes et stratégies novateurs visant à promouvoir les droits fondamentaux des femmes, leur participation politique et leur sécurité économique.
  • 1976–1985 : Les Nations unies ont déclaré la période 1976-1985 Décennie des Nations unies pour les femmes : Égalité, développement et paix. La Décennie a contribué à la légitimité du mouvement international des femmes et a fait progresser les questions relatives aux femmes dans l'agenda mondial.
  • 1979 : L'Assemblée générale des Nations unies adopte la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes (CEDAW). Cette Convention est aujourd'hui l'un des traités des Nations unies les plus largement ratifiés et est connue en tant que Déclaration mondiale des droits des femmes.
  • 1980 : La conférence mondiale de mi-décennie de la Décennie des Nations unies pour les femmes se réunit à Copenhague, au Danemark, et se concentre sur l'emploi, la santé et l'éducation.
  • 1985 : La Conférence mondiale chargée d'examiner et d'évaluer les résultats de la Décennie des Nations unies pour la femme : Égalité, développement et paix se réunit à Nairobi, au Kenya, et adopte les Stratégies prospectives d'action de Nairobi pour la promotion de la femme, un plan directeur pour l'avenir des femmes jusqu'à la fin du siècle.

L'absence flagrante de référence aux femmes dans les premières versions de l'Agenda 21, le document final du Sommet de la Terre, a incité Bella Abzug et Mim Kelber, deux des fondatrices de l'Organisation des femmes pour l'environnement et le développement (WEDO), à demander que toutes les délégations gouvernementales et non gouvernementales au Sommet de la Terre soient équilibrées du point de vue du genre et qu'elles fassent entendre la voix des femmes sur toutes les questions de développement durable.

Ce travail a conduit à l'inclusion du Principe 20 de la Déclaration de Rio et du chapitre 24 dans l’Agenda 21 «Action mondiale en faveur de la participation des femmes à un développement durable et équitable», ainsi que des références aux femmes dans l’ensemble du document.

Les femmes ont un rôle vital dans la gestion et le développement de l’environnement. Leur pleine participation est donc essentielle pour parvenir à un développement durable.

Principe 20 de la Déclaration de Rio

Le rôle des femmes dans le développement durable a été davantage renforcé lors de la quatrième conférence mondiale sur les femmes de 1995. Le document final de cette conférence, la Déclaration et le programme d'action de Beijing, demeure le plan international le plus complet pour l’avancement des droits des femmes. Toutefois, vingt ans plus tard, l'examen et l'évaluation par les Nations unies de la mise en œuvre de la Déclaration et de la Plate-forme d'action de Beijing ont révélé que, si de nombreux États considèrent que les femmes sont en première ligne pour remédier à la dégradation de l'environnement et faire face à la pollution, aux catastrophes naturelles et au changement climatique, l'ampleur de l'intégration de la dimension de genre dans les politiques de développement durable varie considérablement d'un pays à l'autre. L'examen a spécifiquement souligné l'importance de garantir l'accès des femmes aux terres et aux ressources productives, et au contrôle sur celles-ci, ainsi que de leur voix et leur participation à la prise de décision et à l'action en matière de développement durable à tous les niveaux (paragraphe 335).

Fourth World Conference on Women
Gertrude Mongella (à gauche, debout à l'estrade), Secrétaire générale de la quatrième Conférence mondiale sur les femmes, s'adresse aux participants à Beijing. (Photo: Photo ONU/Milton Grant).

Intégration de la dimension de genre : Un ingrédient clé pour le développement durable 

Lorsque les gouvernements ont négocié le Programme du développement durable à l’horizon 2030 et ses 17 ODD, il n'y a jamais eu un doute sur le rôle des femmes dans la promotion d'un développement durable efficace. L'égalité de genre est reconnue comme une condition préalable à la réalisation du développement durable et est intégrée dans l'ensemble des objectifs et des cibles du Programme à l’horizon 2030. Les obstacles structurels et systémiques sont abordés dans l'ODD 5 : Réaliser l'égalité de genre et l'autonomisation de toutes les femmes et filles. Le Programme 2030 souligne que l'égalité d'accès à l'éducation, à un travail décent et à la représentation dans les processus de prise de décisions politiques et économiques constitue la base de sociétés équitables. Investir dans l'égalité de genre et l'autonomisation de toutes les femmes et filles permet, non seulement de mettre en œuvre l'ODD 5, mais aussi de soutenir les progrès dans l'ensemble des 17 ODD, notamment en contribuant à l'éradication de la pauvreté, à l'atténuation des effets du changement climatique et à l'adaptation, à la protection de la biodiversité et à la croissance économique durable (Ivanova, 2021).

«L'intégration de la dimension de genre», qui vise à promouvoir l'égalité de genre en évaluant les implications sur le plan du genre de toute politique planifiée, a été adoptée par des organisations internationales qui façonnent les normes mondiales. Le Plan d'action pour l’égalité de genre (PAG) de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC) est une étape vers l'intégration de la dimension de genre dans l'action climatique. Adopté en 2019, le PAG recommande l'intégration systématique des questions sexospécifiques dans la politique et l'action climatiques, notamment dans le renforcement des capacités et la gestion des connaissances, la communication, l'équilibre entre les sexes dans la participation et le leadership, et une mise en œuvre favorable à l’égalité de genre (CCNUCC, 2019b). Bien que cela constitue un progrès, le PAG manque d'indicateurs et d'objectifs précis. Il n'aura un impact sur le terrain que s'il est accompagné de stratégies nationales significatives pouvant faire l'objet d'un suivi (de Paula & Mar, 2020).

Dans le cadre de l'Accord de Paris sur les changements climatiques, les liens entre le genre et le climat sont contrôlés par le biais des Contributions déterminées au niveau national (CDN) des pays. Les CDN peuvent garantir la participation des femmes à la prise des décisions relatives aux changements climatiques. Outre l'objectif de la proportion hommes-femmes pour la réalisation des objectifs d'égalité, les femmes peuvent contribuer à renforcer les impacts des politiques.

L'accès au financement est un domaine clé pour l'intégration de la dimension de genre, car le manque de financement constitue un obstacle important à la mise en œuvre de politiques justes du point de vue du genre (GCF, 2017). À titre d'exemple d'une organisation qui s'efforce à surmonter cet obstacle, le Fonds vert pour le climat (FVC) exige que les projets soumis prennent en compte les questions de genre dans leur évaluation d'impact environnemental et social, et que l'équipe d'étude comprenne un expert en questions sexospécifiques. Des données ventilées par sexe doivent être collectées avant la mise en œuvre du projet. Selon le FVC, l'intégration de la dimension de genre est fondamentale pour toute intervention de projet et ne doit «pas nécessairement impliquer des coûts supplémentaires, mais plutôt rendre les interventions climatiques plus efficaces et plus».

Les femmes en tant que leaders environnementaux

Compte tenu de l'accélération et du chevauchement des crises environnementales auxquelles notre planète est confrontée, il est essentiel que nous mettions en œuvre diverses stratégies de réponse aux crises. L'inégalité de genre limite cette possibilité. Des recherches ont montré que les hommes ont tendance à opter pour des solutions indéfinies à grande échelle, tandis que les femmes choisissent fréquemment d'améliorer des solutions à de plus petites échelles, mais plus concrètes au niveau communautaire (FIDA, 2014). Des études suggèrent également que les femmes ont une perception différente du risque et un désir différent d'action de protection par rapport aux hommes. Cependant, étant donné leur pouvoir de décision disproportionné, les hommes déterminent souvent quand et quel type d'action les familles entreprennent face aux crises. Dans certains cas, cela met en danger la vie des femmes et de leurs familles.

Les crises affectent différemment les femmes et les hommes. Ceci est particulièrement vrai lorsqu’on y associe d'autres caractéristiques telles que l'âge, la race, l'origine ethnique, le statut socio-économique et la situation géographique. En outre, les femmes déplacées par une catastrophe sont souvent exposées à des menaces spécifiques telles que la violence sexuelle et sexiste, l'exploitation et la traite. L'accès limité aux soins de santé - une situation fréquente dans les crises - peut entraver de manière disproportionnée l'accès des femmes aux services de santé spécialisés qui sauvent des vies, y compris les services de santé reproductive et mentale. Dans les cas de déplacement, les capacités d'adaptation des femmes sont souvent affectées par les normes socioculturelles, les options limitées en matière de moyens de subsistance, le manque d'accès aux filets de sécurité formalisés et les possibilités réduites de bénéficier des technologies et des informations. Le manque de ressources et de liberté est une recette pour piéger les femmes là où les risques climatiques et de catastrophes sont élevés, affirme le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés.

Par contre, les recherches illustrent la contribution positive des femmes lorsqu'elles occupent des postes de direction. Dans le secteur de l'énergie renouvelable, l'effet «femme directrice» a été observé aux États-Unis. Des études montrent que l'interaction entre la diversité de genre et l’énergie renouvelables augmente la valeur des entreprises. Lorsque le conseil d'administration compte au moins deux femmes, la consommation d'énergie renouvelable augmente.

Les femmes sont également des agents de changement positifs dans l'agriculture intelligente face au climat (FIDA, 2014). À l'échelle mondiale, le pourcentage de personnes qui travaillent dans l'agriculture a baissé de 44 % en 1991 à 26 % en 2020. Pourtant, pas moins de 150 millions de personnes pourraient être sauvées de la faim et de la pauvreté si les agricultrices avaient le même accès et le même contrôle des ressources agricoles que les hommes.

Sur 160 pays, seuls 59 permettent aux femmes et aux hommes d'avoir les mêmes droits de propriété, d'utilisation et de contrôle des terres (OCDE, 2014). Pourtant la promotion d’une gouvernance équitable des ressources naturelles permet d'obtenir de meilleurs résultats en matière de moyens de subsistance. Selon l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture, si les femmes avaient le même accès aux ressources productives que les hommes, elles pourraient augmenter les rendements de leurs exploitations de 20 à 30 %. La production agricole totale des pays en développement pourrait ainsi augmenter de 2,5 à 4 %, ce qui permettrait de réduire la faim de 12 à 17 %.

Woman farmer drawing water from well
Les femmes indiennes passent 150 millions de jours de travail par an pour aller chercher et transporter de l'eau. (Photo: iStock).

L'Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) rapporte que l'égalité de genre et la participation des femmes à la prise de décision, ainsi qu’à la gouvernance des ressources naturelles sont bénéfiques pour la conservation. Mavisakalyan et Tarverdi (2019) ont constaté que les pays qui comptent un nombre plus élevé de représentantes dans leurs parlements ont des politiques plus strictes en matière de changements climatiques et ont créé plus de zones protégées.

Pourtant, en 2019, les femmes ne détenaient que 12 % des sièges parlementaires, selon l'Indice Femmes, Paix et Sécurité. Au rythme actuel des progrès, selon l'ONU, la parité hommes-femmes dans les organes législatifs nationaux ne sera pas atteinte avant 2063, si les normes discriminatoires, les stéréotypes et les violences profondément ancrés persistent.

Cette disparité est mise en évidence pendant la pandémie de COVID-19. Les emplois informels, principalement occupés par des femmes, ont été les premiers à disparaître à cause de la pandémie. En outre, 70 % des travailleurs de la santé de première ligne sont des femmes. Dans les ménages, la pandémie a entraîné une augmentation des soins non rémunérés qui incombent généralement aux femmes, tandis que les pics documentés de violence domestique ont montré une autre manière effrayante dont cette pandémie est une question de vie ou de mort.

Bien qu'elles aient supporté une grande partie du poids de la pandémie, les femmes n'ont pas été proportionnellement habilitées à façonner la réponse mondiale. Au niveau de la prise de décision, les chercheurs ont constaté qu'à peine 3,5 % des 115 groupes de prise de décision et d'experts identifiés dans le cadre de l'enquête sur la COVID-19 ont la parité hommes-femmes, tandis que 85,2 % sont constitués majoritairement par des hommes (van Daalen et al., 2020).

Transformer les normes de genre au bénéfice d’une Planète durable  

En Inde, les femmes passent 150 millions de jours de travail par an à aller chercher et transporter de l'eau. Cela représente l'équivalent d'une perte de revenus nationale de 10 milliards de roupies (160 millions USD). Cependant, malgré les responsabilités des femmes dans l'utilisation et la gestion des ressources naturelles, elles sont généralement moins impliquées dans les processus officiels de gouvernance, ou en sont exclues. Il en résulte que leurs besoins, intérêts, objectifs, connaissances et capacités sont à la fois sous-représentés et sous-utilisés (UICN, 2020).

Il est essentiel de surmonter ces obstacles persistants et structurels qui entravent l'accès des femmes aux ressources naturelles - comme en témoignent les lois discriminatoires sur le régime foncier – et au partage équitable des bénéfices tirés des ressources d’extraction, notamment les minéraux, les métaux, le bois, le pétrole et le gaz. Ceci s’applique aux domaines de l'éducation et de la législation où de nouveaux dirigeants pourraient être formés et où les règles d'utilisation des ressources pourraient être repensées.

Pourtant, en dépit de ces obstacles, il existe des exemples de réussite. En 2018, Yvonne Aki-Sawyerr est devenue la première femme élue en 40 ans au poste de maire de Freetown, la capitale de la Sierra Leone. Les changements climatiques et l'environnement ont été au centre de son programme politique Transform Freetown. Les femmes sont également engagées dans des organisations communautaires et dans des réseaux de la société civile, tels que la Fédération des pauvres urbains et ruraux (FEDURP), un réseau dirigé par des femmes qui regroupe plus de 3 000 personnes organisées en petits groupes d'épargne et de crédit. Ces groupes assurent la sécurité financière des ménages et mobilisent l'action communautaire. La FEDURP est devenue un partenaire essentiel dans la mise en œuvre du programme Transform Freetown, une démonstration du pouvoir de la gouvernance inclusive (PNUE et al., 2020, p.33).

Yvonne Aki-Sawyerr
Yvonne Aki-Sawyerr, maire de Freetown, Sierra Leone, s'adresse au Congrès mondial des Cités et gouvernements locaux unis et au Sommet mondial des dirigeants locaux et régionaux. (Photo: Kiara Worth, IISD/ENB.)

Une action urgente est nécessaire pour étendre de tels succs. L'égalité de genre ne se résume pas à des avantages éthiques. Elle soutient une économie inclusive et durable, et l'éradication de la pauvreté et de la faim. Elle favorise des communautés et des populations résilientes et saines, accélère les politiques de durabilité et la gestion responsable de l'environnement.

Et elle contribue à la paix et à la sécurité mondiales. Toutefois, pour que ces avantages soient durables, il faut éliminer les premiers obstacles structurels liés à l'éducation et à l'inégalité des chances, afin que davantage de femmes puissent accéder à des postes de direction.

Pour progresser et atteindre l'égalité de genre et l'autonomisation des femmes et des filles, un nouvel état d'esprit est nécessaire.

Les solutions justes en matière de genre doivent être plus qu'une mesure anti-discrimination : ce sont des moyens pratiques et utiles pour faire avancer tous les ODD de manière synergique. Concrètement, les décideurs, les donateurs et les communautés ont beaucoup à gagner s’ils :

  • Assurent l'accès des femmes à la propriété foncière, aux ressources productives et au contrôle de celles-ci.
  • Soutiennent les organisations non gouvernementales, les entreprises sociales et les réseaux qui favorisent l’égalité de genre dans le contexte de la conservation de l’environnement, de l’action climatique et de la promotion de la santé.
  • Financent les organisations dirigées par des femmes qui œuvrent à la réalisation du Programme 2030 et des ODD.
  • Veillent à ce que les politiques environnementales intègrent la dimension de genre et soient adaptées, afin de permettre aux femmes de s'exprimer et d'agir dans le cadre de la prise de décision et de l'action en matière d'environnement et de développement durable à tous les niveaux.
  • Améliorent la qualité des données sexospécifiques, en prenant en compte la gamme des différences fondées sur le sexe pendant la pandémie de COVID-19, afin de s'assurer que les efforts de riposte atteignent les filles et les femmes dans la reprise économique future.

Il n'y a pas de personnes en bonne santé sur une planète malade. Il n'y a pas de justice environnementale sans justice sociale. Comme l'a dit un jour Shirley Chisholm, la première femme noire membre du Congrès américain : «Si on ne vous donne pas de place à la table, apportez une chaise pliante».

Ouvrages consultés

Andrijevic, M., Crespo Cuaresma, J., Lissner, T., Thomas, A., & Schleussner, C.-F. (2020). Surmonter l'inégalité des sexes pour un développement résilient au climat. Nature Communications, 11 (article 6261). https://www.nature.com/articles/s41467-020-19856-w

Banque mondiale. (2021). Women, Business and the Law 2021. https://openknowledge.worldbank.org/handle/10986/35094

de Paula, N., & Mar, K. A. (2020). Moving as one. Intégrer les programmes de la santé et du climat pour une santé planétaire dans un monde post-pandémique. IASS Policy Brief, 2020(2). https://www.iass-potsdam.de/en/output/publications/2020/moving-one-integrating-health-and-climate-agendas-planetary-health-post

de Paula, N., Jung, L., Mar, K., Bowen, K., Maglakelidze, M., Fünderich, M., Otieno, M., El Omrani, O., Baunach, S., & Gepp, S. (2021). Un angle mort de la santé planétaire : Le potentiel inexploité des femmes pour sauvegarder la nature et la résilience humaine dans les PRFM. The Lancet Planetary Health, E109- E110. https://www.thelancet.com/journals/lanplh/article/PIIS2542-5196(21)00007-3/fulltext

Santé mondiale 50/50. (2020). Le rapport Global Health 50/50 2020 : Pouvoir, privilèges et priorités. https://globalhealth5050.org/2020report/

Fonds vert pour le climat. (2017). Intégration de la dimension de genre dans les projets du Fonds vert pour le climat. https://www.greenclimate.fund/document/mainstreaming-gender-green-climate-fund-projects

Fonds international pour le développement agricole. (2014). L'avantage du genre. Les femmes en première ligne du changement climatique. https://www.ifad.org/en/web/knowledge/publication/asset/39409613

Inno, L., Rotundi, A., & Piccialli, A. (2020). Effets du verrouillage de COVID-19 sur l'inégalité des sexes. Nature Astronomy 4, 1114. https://doi.org/10.1038/s41550-020-01258-z

Ivanova, M. (2021). Connecter la santé humaine et planétaire : Un entretien avec Christiana Figueres. Globalizations. https://doi.org/10.1080/14747731.2020.186639

Lal, A., Jung, L., Alqodmani, L., Torres, I., Ouedraogo, S., Mahmud, A. J., Dhatt, R., Phelan, A., & Rajan, D. (2020). Symptômes d'un système défaillant : Les inégalités entre les sexes dans la prise de décision COVID-19. BMJ Global Health, 5(10), e003549. https://gh.bmj.com/content/5/10/e003549

Mavisakalyan, A., & Tarverdi, Y. (2019). Genre et changement climatique : Les femmes parlementaires font-elles la différence? Revue européenne d'économie politique, 56, 151-164. https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0176268017304500?via=ihub

ONU Femmes. (2019). Un bref historique de la Commission de la condition de la femme. https://www.unwomen.org/-/media/headquarters/attachments/sections/library/publications/2019/a-short-history-of-the-csw-en.pdf

Organisation de coopération et de développement économiques. (2014). Indice des institutions sociales et du genre : Rapport de synthèse 2014. OCDE.

Organisation des femmes pour l'environnement et le développement. (2020). Fiche d’information. Progrès de la CCNUCC dans la réalisation de l’équilibre entre les sexes (CdP 25) https://wedo.org/factsheet-unfccc-progress-achieving-gender-balance-dec2019-2/

Programme des Nations unies pour l'environnement. (2016). Perspectives mondiales en matière de genre et d'environnement. https://www.unep.org/resources/report/global-gender-and-environment-outlook-ggeo

Programme des Nations unies pour l'environnement, ONU Femmes, PNUD et UNDPPA/PBSO. (2020). Genre, climat et sécurité. https://gender-nr-peace.org/assets/2020_GCS_Report/GCS_PolicyReport_200611.pdf