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Comprehensive Wealth data

Patrimoine compréhensif

Le projet Patrimoine compréhensif encourage les gouvernements et les citoyens à aller « au-delà du PIB » comme mesure fondamentale du progrès sociétal.

Quel est le problème posé par le PIB ?

Depuis plus d'un demi-siècle, le produit intérieur brut (PIB) est considéré comme étant la mesure universelle de la santé économique et du progrès national. Une croissance du PIB indique toujours que des progrès sont réalisés.

L'une des meilleures mises en garde contre cette idée erronée a été lancée en 1968 par le sénateur américain Robert F. Kennedy, qui avertit que le PIB mesure « tout sauf ce qui rend la vie digne d’être vécue ». Le PIB est une bonne mesure du revenu national mais il ne reflète pas la qualité de vie ni le progrès sociétal. Alors que les pays cherchent à se hisser en tête du classement mondial de croissance du PIB, un certain nombre d'exemples prouvent que cette conception du progrès peut être trompeuse.

Lorsque le PIB et la vie n’empruntent pas le même chemin

COVID-19 Le PIB du Viêt Nam ne représente que 1 % de celui des États-Unis, mais le Viêt Nam n’a enregistré que 35 décès dus au COVID-19 en date du 22 septembre 2020, tandis que les États-Unis en comptaient plus de 200 000. Rapportés par habitant, les résultats du Viêt Nam en termes d’endiguement de la pandémie étaient d’environ 1 700 fois mieux que ceux des États-Unis.
Les feux de brousse du samedi noir de l’État de Victoria (Australie) Le bilan des feux de brousse du samedi noir dans l’État de Victoria (Australie) en février 2009 fait état de 173 morts, 414 blessés, 450 000 hectares brûlés et 3 500 bâtiments détruits. En même temps, le PIB australien a augmenté de 4 milliards d’USD  (Stanley, 2020)
La dégradation des terres en Éthiopie La croissance du PIB de l’Éthiopie a atteint 13,5 % en 2004 et s’est depuis maintenue à environ 10 %. Pourtant, plus de 85 % des terres du pays ont été dégradées à divers degrés (Gebreselassie et al., 2016). Les principales causes de la dégradation des terres en Éthiopie sont l'augmentation rapide de la population, la forte érosion des sols, la déforestation, la faible couverture végétale et la production agricole et animale déséquilibrée (Taddese, 2001).  Aucun de ces facteurs n’est pris en compte par la solide croissance du PIB du pays.
Reprise après la récession mondiale Au cours des trois premières années de la reprise après la crise financière mondiale de 2008, environ 91 % des gains ont été réalisés dans les 1 % des économies les plus riches. (Stiglitz, 2019).

Le PIB ne reflète pas de nombreuses composantes de base du progrès sociétal. Il ne traite pas des questions d’égalité des sexes, de santé, d’éducation, d'inclusion sociale, de répartition du revenu ou de qualité de l'environnement. Prenons par exemple l'éducation et la santé. Le PIB les considère simplement comme des coûts pour la société, sans tenir compte de la valeur des résultats en matière d’éducation et de santé pourtant si importants pour le bien-être à long terme de la société. Le PIB ne tient pas non plus compte de la valeur des services et de l'assistance aux voisins et aux familles - à moins que des personnes ne soient embauchées pour les exécuter. Les activités de bénévolat sont des éléments importants du développement social et, pourtant, le PIB ne leur accorde aucune attention car elles sont réputées « non économiques ».

Le projet Patrimoine compréhensif vise à encourager les gouvernements à aller « au-delà du PIB » en tant que principale mesure du progrès sociétal. Le concept du patrimoine compréhensif constitue tout simplement la somme des actifs que nous possédons en tant que société. Ce patrimoine est important car il représente les ressources dont nous disposons aujourd'hui pour assurer la poursuite de nos activités sociales et économiques à l'avenir. Pour cette raison, les mesures du patrimoine offrent une optique importante pour juger de nos perspectives de bien-être futur.

Les actifs qui composent le Patrimoine compréhensif forment la base de la production de presque tous les biens et services dont les personnes et la société ont besoin pour prospérer : non seulement des éléments évidents tels que la nourriture, l'électricité et les soins de santé, mais aussi l'air pur, les forêts saines et les communautés sûres. La consommation de ces biens et services est une composante importante de ce qui crée le bien-être des individus et des nations dans leur ensemble.

Vue d’ensemble du Patrimoine compréhensif

Le Patrimoine compréhensif mesure les cinq actifs fondamentaux dont dispose chaque nation :

  • Le capital produit est constitué des routes, des voies ferrées, des ports, des habitations et de la grande variété d’autres actifs manufacturés que l’on trouve au sein de l’économie.
  • Le capital naturel comprend les ressources naturelles commerciales telles que le bois, les minéraux, le pétrole et le gaz. Il comprend également les écosystèmes en tous genres, par exemple les zones humides qui aident à créer de l'eau potable et les forêts qui agissent comme des réservoirs de carbone.
  • Le capital humain comprend les connaissances regroupées, les compétences et les capacités de la population active, soit le résultat de l’apprentissage tout au long de la vie, dans des cadres formels et informels.
  • Le capital financier couvre les actions, obligations et autres actifs financiers. Les investissements des gouvernements, des entreprises et des ménages visent souvent à constituer des stocks de capitaux produit et financier.
  • Le capital social inclut les normes et comportements qui définissent les interactions entre les membres de la société, y compris le sentiment de sécurité des personnes dans leurs communautés, l'inclusion et la confiance à l’égard des institutions importantes.
Patrimoine compréhensif

Chacun des cinq éléments du portefeuille de patrimoine compréhensif est important parce que chacun est un intrant dans la vaste « fonction de production sociétale » pour le bien-être.

Une question clé est de savoir si la taille du portefeuille de patrimoine compréhensif d’un pays augmente avec le temps. Si tel est le cas, le développement national est probablement durable et le bien-être devrait être stable ou en augmentation. Si cela n’est pas le cas, le développement est sur une voie non durable et le bien-être se réduira à un moment donné. C'est pourquoi les mesures du patrimoine compréhensif sont de plus en plus perçues comme étant cruciales pour évaluer les progrès de la société.

L’expérience canadienne

En examinant les données de Statistique Canada pour les années 1980 à 2015, l’IISD a réalisé un état des lieux du patrimoine compréhensif canadien en 2016 et de nouveau en 2018. Les conclusions ont soulevé un certain nombre de signaux d'alarme quant à la durabilité de la prospérité des Canadiens, à savoir :

  • Niveaux sans précédent d’endettement des ménages canadiens
  • Stagnation du capital humain (potentiel de revenu tout au long de la vie) depuis 1980
  • Dépendance à l'égard de prêteurs étrangers pour près des trois quarts des flux d'investissement après 2012
  • Concentration des investissements des entreprises dans seulement deux domaines : le logement et les infrastructures d'extraction pétrolière et gazière
  • Une baisse de 86 % de la valeur marchande de l'actif naturel le plus précieux du Canada : les sables bitumineux
  • Vulnérabilité du patrimoine compréhensif du Canada face aux effets des changements climatiques

Ces préoccupations n'émergent pas lorsque l'on examine la performance du PIB du Canada au cours de la même période, ce qui dresse un tableau beaucoup plus optimiste du succès du pays.

Activités en cours

Photos from Ethiopia, Trinidad and Tobago, and Indonesia
L'IISD collabore avec des partenaires en Éthiopie, à Trinité-et-Tobago et en Indonésie pour élargir les efforts pour mesurer le bien-être au-delà du PIB.

Après la phase initiale au Canada, le projet Patrimoine compréhensif est en cours d’extension en Afrique, en Asie et dans les Caraïbes.

En Afrique, l’IISD est en partenariat avec l'Université de Mekelle en Éthiopie. L’intérêt de l’Éthiopie à aller au-delà du PIB a été traduit par le Plan de croissance et de transformation II, qui met l’accent sur une « croissance à base diversifiée ». En 2017, le pays a également commencé la valorisation de sa forêt en tant que capital naturel.

En Indonésie, nous travaillons en partenariat avec le SDG Hub de l’Universitas Indonesia. Ce partenariat s’appuie sur le travail de longue date effectué par l’IISD en Indonésie à travers notre Initiative mondiale sur les subventions et l’élaboration d’une plate-forme de suivi de la mise en œuvre des ODD. L’expérience du pays avec le Système intégré de comptabilité environnementale et économique (SCEE) et la comptabilité des terres à Sumatera et Kalimantan ont renforcé les capacités nationales ainsi que l’intérêt à aller au-delà du PIB.

Dans les Caraïbes, nous collaborons avec l’Université des Indes occidentales à Trinité-et-Tobago. Cette collaboration a été en partie motivée par la part importante des investissements et de l'emploi à Trinité-et-Tobago liée aux ressources pétrolières et gazières épuisables. Bien que ces ressources offrent des avantages au pays tant qu'elles durent, il est essentiel d'identifier des opportunités d'investissement futures pour promouvoir la durabilité du bien-être à long terme. En outre, Trinité-et-Tobago dispose de plusieurs documents de politique alignés sur le patrimoine compréhensif, y compris sa stratégie relative aux ODD portant sur le « Bien-être environnemental, économique et social pour aujourd'hui et demain ».

Outre les universités de haut niveau mentionnées ci-dessus, les partenaires du projet comprennent les agences statistiques nationales, les ministères et les organisations internationales présentes sur place.