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Lush rain forest hills on the Caribbean island of Grenada.
Insight

Faire progresser les solutions fondées sur la nature favorables à la biodiversité

Par Veronica Lo, Anya Knechtel on 23 août 2023

Les changements climatiques constituent un multiplicateur de menaces, amplifiant la perte de biodiversité et la dégradation des écosystèmes à l’échelle mondiale. Il est donc essentiel de promouvoir des solutions climatiques qui préservent et restaurent les écosystèmes. La conservation active de nos forêts, zones humides, océans et côtes aidera les communautés à devenir plus résilientes face aux répercussions des changements climatiques. Les solutions fondées sur la nature (SfN) pour l’adaptation aux changements climatiques peuvent représenter un moyen rentable d’accroître la résilience tout en générant de multiples avantages (ou avantages conjoints) pour la nature et pour la société. Mais la réalisation de gains mesurables pour le fonctionnement de la biodiversité qui apportent également des bénéfices à la société et à l’adaptation s’avère souvent compliquée.

Un rapport récent de l’Institut international du développement durable (IISD), intitulé Améliorer les avantages conjoints pour la biodiversité des solutions fondées sur la nature, fournit des recommandations visant à contribuer à la planification, la conception et la mise en œuvre de SfN pour l’adaptation qui amélioreront la biodiversité et l’intégrité des écosystèmes. Ces recommandations vont de l'intégration des connaissances traditionnelles sur la biodiversité et les services écosystémiques et l'utilisation d'indicateurs rentables pour le suivi, l'évaluation et l'apprentissage à la prise en compte de valeurs locales permettant de garantir que les avantages répondront aux besoins des membres des communautés locales.

Il existe des exemples concrets d’avantages conjoints pour la biodiversité obtenus grâce à la mise en œuvre de SfN. De l'Inde à l'Éthiopie en passant par le Canada, nous avons exploré certains d’entre eux lors d'un récent événement organisé par la Fondation Aga Khan Canada, l'IISD (dans le cadre de l’Initiative sur la nature pour l’adaptation au climat) et Affaires mondiales Canada. Ces trois études de cas fournissent des exemples précieux du potentiel des SfN tout en montrant la polyvalence des SfN pour différents contextes.

Renforcer la résilience des communautés côtières en Inde

Ces dernières années, les risques naturels sur la côte de Saurashtra, dans l’État indien du Gujarat, sont devenus de plus en plus fréquents. Exacerbés par les changements climatiques, des phénomènes tels que les cyclones, les tempêtes, l’érosion côtière, l’élévation du niveau de la mer, les vagues de chaleur, les inondations et les pluies extrêmes se sont intensifiés. Pour s'adapter à ces changements, 20 villages côtiers du district de Porbandar se sont associés à l'Agence Aga Khan pour l’habitat et à l'entreprise technologique Ericsson pour renforcer leur résilience au moyen d’une approche écosystémique axée sur les communautés.

Les membres des communautés plantent 100 000 mangroves et autres espèces végétales pour restaurer l'écosystème côtier et le protéger contre l'érosion côtière à proximité des villages et des zones voisines. Les mangroves se sont révélées efficaces pour atténuer les effets des ondes de tempête, de l’érosion des sols et de la salinité, ainsi que pour absorber le dioxyde de carbone qui contribue aux changements climatiques. En outre, les capteurs de surveillance à intelligence artificielle fondés sur l’informatique en nuage qui sont utilisés dans le cadre du projet génèrent des données en temps réel sur les mangroves et les efforts de restauration côtière. À travers ce projet, de nouvelles opportunités de moyens de subsistance résilients aux changements climatiques verront le jour pour les communautés locales : à titre d’exemple, elles planteront 20 000 arbres fruitiers dans 10 villages dans le but d’accroître la biodiversité et de réduire les vagues de chaleur locales.

Anita Miya, responsable de la gestion des connaissances et des partenariats, Agence Aga Khan pour l'habitat, apporte des compléments d'information au moyen de cette présentation.

Améliorer la santé, la rentabilité et l'adaptabilité des producteurs de café éthiopiens

L’Éthiopie figure parmi les pays les plus vulnérables au climat en raison de sa forte dépendance à l’égard de l’agriculture pluviale et des ressources naturelles ainsi que sa capacité limitée à s’adapter aux changements climatiques. Comme l’explique Anil Gupta, spécialiste de l'environnement principal à Affaires mondiales Canada, un quart de la population (principalement de petites agricultrices) tire sa subsistance de la production, transformation et commercialisation du café. Cependant, en raison de l’augmentation des températures et de la forte variabilité interannuelle et intra-saisonnière des précipitations, la superficie des zones propices à la production de café sauvage pourrait diminuer de 40 à 90 % d’ici 2040.

Un autre enjeu, qui est spécifique à la région de Sidamo, dans le sud de l’Éthiopie, concerne la gestion des eaux usées liées à la transformation du café. Selon une première étude de cas présentée par Anil Gupta et par Paul Stewart de TechnoServe, deux milliards de litres d'eaux usées dangereuses sont produits chaque année, se déversant dans les rivières et nuisant à la santé humaine et animale. Le projet Sidamo a adopté différentes mesures liées aux SfN afin de résoudre ce problème, notamment :

  • Le compostage des déchets de pulpe issus de la transformation du café.
  • La mise en place de plus de 100 initiatives de restauration du vétiver autour des zones humides.
  • La plantation de plus d'un million d'arbres d'ombrage indigènes dans 28 000 petites plantations de café (pour protéger les sols et les caféiers de la chaleur et retenir l'humidité des sols).

[Grace au projet] j’ai appris que les caféiers ont une durée de vie plus courte lorsqu'ils poussent en plein soleil, ce qui réduit les rendements de café. C'est pourquoi j’ai aimé planter des arbres dans ma ferme, car cela m’amène à vivre une vie confortable.

Birtikuan Debeko, bénéficiaire du programme à Aleta Wondo (Sidamo, Éthiopie).

En conséquence, la qualité de l’eau des rivières et la résilience climatique des petits producteurs de café de la région de Sidamo se sont améliorées au cours des dix dernières années.

Restaurer, protéger et relier les paysages naturels du sud du Canada

Le sud de l'Ontario accueille la plus grande diversité et densité d'espèces au Canada, précise Janet Sumner, directrice générale de la Wildlands League. La région abrite environ 200 espèces en voie de disparition – sur un total de 500 espèces en voie de disparition à l’échelle du pays – et 80 % des espèces en péril de la province. Pour répondre à la fois à la crise de l'extinction et à l'urgence climatique, le projet Nature Connectivity rassemble des initiatives touchant les zones protégées sur des terres publiques et privées sous l’égide de la Coalition pour la nature du sud de l'Ontario et vise à intégrer ces parcelles de terrain dans le parc urbain national de la Rouge, en l'agrandissant de 30 %.

Une pièce importante du puzzle de la connectivité est la ceinture de verdure de l'Ontario, composée de 800 000 hectares de terres agricoles et de zones naturelles autour de la région du Grand Toronto qui sont actuellement protégées de l'étalement urbain. Elle offre de multiples avantages, tels que la fourniture d’espaces pour les activités de plein air, l’atténuation des impacts des changements climatiques et la lutte contre la perte de biodiversité. Mais une population en croissance rapide et ses besoins en matière de logement et de transport menacent l’intégrité de cet espace. Elle perdurera uniquement si nous parvenons à trouver des moyens de reconnaître et de préserver des liens écologiques viables au sein d’un réseau d’espaces verts, notamment pour permettre à la faune de migrer en toute sécurité vers et depuis de plus grandes zones protégées.

lake and trees in Algonquin Park, Ontario

Le projet Nature Connectivity permet précisément cela, car il a pour objectif de créer un réseau interconnecté de corridors de protection écologique dans le sud de l’Ontario, avec des avantages positifs en matière d’atténuation et d’adaptation pour 12 millions de personnes. Parmi ses multiples avantages, le projet créera des emplois, protégera les communautés contre les inondations et fournira des avantages conjoints pour la biodiversité, notamment la protection d'une forêt carolinienne rare qui héberge plus de 1 700 espèces de plantes et d'animaux, dont 23 sont en péril.

Travailler ensemble pour transposer à plus grande échelle les SfN pour l’adaptation

Pour que nos communautés et nos écosystèmes parviennent à travailler ensemble afin de survivre à ces crises modernes, il nous faudra accroître les SfN pour l’adaptation et la biodiversité qui sont inclusives (y compris en matière de genre), percutantes et fondées sur des données probantes, et ce à l’échelle mondiale. C'est justement l’objectif de la Communauté de pratique sur les solutions fondées sur la nature pour le climat et la biodiversité, qui permet à des organisations du monde entier de partager leurs idées, leur expertise et leurs réseaux, comme le montrent les études de cas ci-dessus qui ont été présentées au cours de la même réunion de façon à couvrir une variété de perspectives et de pratiques relatives aux SfN.

De plus, Stefan Ruge et Michael Opitz de la fondation allemande Hanns R. Neumann Stiftung ainsi que Kevin West de la célèbre chaîne de café Tim Hortons ont partagé les résultats d’un projet collaboratif sur le café et l'adaptation aux changements climatiques. En outre, Jerry Nwigwe du Centre de ressources sur le débat et le développement (Nigéria), une association dirigée par des jeunes, a présenté l’intégration d’une approche des SfN appliquée à une chaîne de valeur du manioc.

Nicholas Macfarlane de l’Union internationale pour la conservation de la nature a présenté à la Communauté de pratique la mesure de Réduction des menaces et restauration en faveur des espèces (STAR), qui évalue le potentiel « d’actions particulières à des endroits spécifiques pour contribuer aux objectifs mondiaux de durabilité, en soutien des objectifs scientifiques en matière de biodiversité des espèces ». Il s’agit d’une manière spatialement explicite et standardisée de mesurer la biodiversité qui permet à un éventail de parties prenantes, allant des décideurs politiques aux équipes de projets de SfN, de comparer les effets potentiels sur la biodiversité de différentes actions spécifiques.


Tout organisme intéressé par les SfN pour l’adaptation et la biodiversité est invité à se joindre à la Communauté de pratique et peut envoyer un courriel à PartenairesClimatPartners@international.gc.ca pour de plus amples informations.

Le plan de travail initial de la Communauté de pratique sur les SfN pour le climat et la biodiversité a été élaboré conjointement par Affaires mondiales Canada, des membres de la Coalition canadienne sur les changements climatiques et le développement et d’autres organismes au Canada.

L’événement De la théorie à la pratique : faire progresser les solutions climatiques fondées sur la nature qui sont profitables pour la biodiversité a été organisé dans le cadre de la Série de conférences sur la résilience et l’adaptation aux changements climatiques de la Fondation Aga Khan Canada. Toutes les présentations de cet événement peuvent être consultées ici. Ne ratez pas notre prochain événement, De la théorie à la pratique : Intégrer l’égalité des genres et l’inclusion sociale dans les solutions fondées sur la nature pour l’adaptation, le 19 octobre 2023.

D’autres ressources pertinentes sont disponibles au Centre de ressources mondiales sur les infrastructures basées sur la nature.