L’opinion divergente dans l’affaire Odyssey c. Mexique

Le tribunal de l’affaire d’arbitrage Odyssey Marine Exploration, Inc. c. États-Unis du Mexique fondée sur l’ALENA a déclaré irrecevable un mémoire amicus curiae présenté par le Centre pour le droit international de l’environnement (CIEL) en collaboration avec la Sociedad Cooperativa de Producción Pesquera Puerto Chale (la Coopérative). Les co-auteurs du mémoire avaient initialement demandé au tribunal de tenir compte de leur évaluation de l’impact environnemental du projet minier des fonds marins Don Diego, au large de la péninsule mexicaine de Baja California.

Dans sa décision majoritaire à 2 contre 1, le tribunal affirma que les critères pertinents pour la recevabilité d’un mémoire amicus curiae étaient ceux fixés dans la Déclaration de la Commission du libre-échange sur la participation des parties non contestantes : (1) les parties non contestantes doivent avoir un intérêt significatif dans l’arbitrage, et (2) elles doivent présenter une perspective unique en lien avec une question factuelle ou juridique, différente des perspectives des parties contestantes, et qui aide le tribunal à prendre une décision. Le tribunal considéra que les co-auteurs ne remplissaient aucune de ces deux conditions.

Dans son opinion divergente, l’arbitre Philippe Sands n’était pas d’accord avec la décision de la majorité. Il critiquait le tribunal qui n’a pas tenu compte de l’intention des parties à l’ALENA, qui avaient spécifiquement reconnu le potentiel des mémoires d’amicus curiae d’« améliorer tant la qualité que la légitimité de la décision finale ». D’après M. Sands, les arbitres avaient l’obligation d’examiner « (a) les préoccupations générales liées à la légitimité de l’arbitrage au titre des traités d’investissement, et (b) les intérêts des communautés locales concernées par une affaire spécifique ». En l’espèce, il considérait que les arbitres avaient manqué à cette obligation en interprétant le concept d’intérêt significatif de manière trop limitée et en ne tenant pas compte des perspectives uniques et pertinentes que le CIEL et la Coopérative auraient pu apporter au différend.

L’opinion divergente est également importante car, en plus d’aborder la question de la recevabilité des mémoires amicus curiae, elle reconnaît le risque de frilosité réglementaire. À cet égard, M. Sands considère qu’il est maintenant « bien établi que l’arbitrage au titre des traités d’investissement peut avoir des effets significatifs sur les régimes réglementaires nationaux, même lorsque l’indemnisation est la seule réparation accordée ».