Après que le demandeur ait adressé une notification de retrait de l’arbitrage, la République tchèque obtient une décision portant sur les coûts

Forminster Enterprises Limited (Cyprus) c. la République tchèque, CNUDCI

Dans une décision finale du 5 décembre 2014, un tribunal de la CNUDCI détermina que l’investisseur ne pouvait pas unilatéralement mettre fin à la procédure d’arbitrage en retirant sa notification d’arbitrage, et lui ordonna de rembourser à la République tchèque tous les coûts et dépenses liés à la procédure.

Le contexte

 Le 9 janvier 2014, le demandeur enregistré à Chypre, Forminster Enterprise Limited (Forminster), a formulé une notification d’arbitrage contre la République tchèque, arguant que le pays avait exproprié l’investissement de Forminster, en violation du traité bilatéral d’investissement République tchèque-Chypre (TBI). La République tchèque a accusé réception de la notification d’arbitrage le 21 janvier.

À peine quelques semaines plus tard, le 6 février, Forminster adressa une notification de retrait d’arbitrage à la République tchèque, précisant vouloir changer de for « pour suivre une autre plan d’action » (para. 14). Forminster prétendait dans le même courrier que, puisque le tribunal arbitral n’avait pas encore été constitué, la procédure devait être classée sans préjudice à réception du courrier.

Le 26 février, la République tchèque a répondu à la notification de retrait d’arbitrage de Forminster en s’opposant au classement de la procédure et se réservait les droits de réclamer le remboursement des coûts.

Un mois plus tard, un tribunal de trois personnes a été constitué au titre du Règlement d’arbitrage de 1976 de la CNUDCI (le Règlement de la CNUDCI).

Le 10 juillet, la République tchèque a présenté sa première et unique soumission, demandant au tribunal de classer la procédure et de lui octroyer le remboursement intégral de ses coûts et dépenses liés à la procédure.

Dans sa soumission du 11 août, Forminster argua que la procédure aurait dû être classée dès réception de sa notification de retrait d’arbitrage soit du fait de la notification elle-même, ou du fait que la procédure était devenue « inutile » au sens de l’article 34(2) du règlement de la CNUDCI. Il argua en outre qu’aucun remboursement ne devait être accordé au défendeur.

Puisqu’aucune des parties ne contestaient les faits à l’origine du différend, le tribunal limita le fond de l’arbitrage à la clôture de la procédure et à la demande de remboursement de la République tchèque.

La clôture unilatérale d’une procédure est inacceptable 

Le tribunal rejeta d’abord l’argument de Forminster selon lequel il avait le droit de clôturer unilatéralement la procédure d’arbitrage en adressant une notification de retrait de la demande d’arbitrage avant ou en l’absence de la constitution d’un tribunal arbitral. Le tribunal considéra qu’un tel argument autoriserait Forminster à tourner le dos à la demande de remboursement du défendeur, résultat jugé « inacceptable à tous points de vue » (para. 70).

Bien qu’il ait reconnu que le règlement de la CNUDCI autorisait un tribunal à clôturer la procédure lorsque celle-ci est jugée « inutile », le tribunal refusa d’appliquer une telle disposition car il considérait que le défendeur avait encore « un intérêt légitime à faire reconnaitre le remboursement des coûts » (para. 77) et que la procédure ne pouvait être clôturée avant que cette question ne soit tranchée.

La demande de remboursement des coûts de la République tchèque

Le tribunal reconnu sa compétence pour trancher la question du remboursement des coûts, sur laquelle la République tchèque avait réservé ses droits au moment opportun et présenté plus tard. Il détermina ensuite que le pays avait engagé des frais importants compte tenu de la non poursuite par Forminster de son recours après avoir adressé une notification d’arbitrage. Aussi, le tribunal déclara que la République tchèque avait le droit d’obtenir une décision sur ces coûts.

Les frais réclamés par la République tchèque avaient été partiellement engagés avant 2014, dans le cadre d’une demande préalable de Forminster. Le tribunal rejeta cette partie des frais, puisque la République tchèque ne pouvait démontrer leur lien avec la procédure de 2014. Il accorda toutefois au pays le remboursement des frais restants, car il considéra que « l’équité exige que le montant des frais accordé au défendeur pour l’année 2014 ne [doit] être réduit davantage au motif que le défendeur n’avait réussi à recouvrir aucun des coûts [engagés au cours des années précédentes] ».

Le remboursement accordé à la République tchèque représentait environ 12 700 € pour les frais de représentations internes et externes, et 20 000 € pour les frais d’arbitrage, payés d’avance. Le tribunal indiqua que, pour l’étude du dossier et l’élaboration de trois ordonnances de procédure et d’une décision finale, les trois arbitres avaient passé en tout 80 heures sur l’affaire.

Le tribunal n’appliqua toutefois pas le taux horaire de 400 € précédemment fixé (para. 22), qui aurait donné lieu à un coût total de 32 000 € pour l’arbitrage. Il alloua plutôt 8 000 € au président du tribunal, et 6 000 € à chacun des arbitres nommés par les parties, indiquant que la totalité des 20 000 € payés d’avance avaient été dépensés.

Remarques : Le tribunal était composé de Paolo Michele Patocchi (président nommé sur accord des coarbitres), de Martin Hunter (nommé par le demandeur), et d’August Reinisch (nommé par le défendeur). La décision est disponible sur http://www.italaw.com/sites/default/files/case-documents/italaw4109.pdf.

Joe Zhang est conseiller en droit international et travaille pour le programme Investissement étranger et développement durable à l’IISD.