La boîte à outils durable pour les négociateurs commerciaux : exploiter les accords commerciaux et d’investissement pour atteindre les objectifs environnementaux

Les accords commerciaux et d’investissement régionaux et bilatéraux ont un énorme potentiel de contribuer à la transition vers une économie verte et à la réalisation du Programme de développement durable à l’horizon 2030. Les négociateurs sont conscients que ces accords ont le potentiel de contribuer à la réalisation des objectifs environnementaux nationaux et internationaux. Ces dernières années, plusieurs accords notables ont repoussé les frontières dans des domaines très diverses tels que les subventions à la pêche[1], les échanges de biens environnementaux[2], et la conservation d’espèces menacées[3]. Ces accords innovants ont non seulement influencé les accords régionaux suivants, mais guident également les avancées au niveau multilatéral, comme lorsque les travaux de la Coopération économique d’Asie-Pacifique (APEC) sur les biens environnementaux ont suscité l’ouverture de négociations au sein de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) sur un accord relatif aux biens environnementaux[4].

Mais ils ont également le potentiel d’entrainer des effets négatifs significatifs, notamment lorsque l’on s’intéresse, en plus des dispositions purement environnementales, aux éléments qui affectent l’environnement : les règles commerciales intérieures qui restreignent la capacité des États à réglementer dans des domaines tels que l’investissement, les droits de propriété intellectuelle, les services, les marchés publics et les subventions. Le commerce et l’investissement – et les accords qui les régissent – ont un énorme potentiel de changement économique. Mais ils peuvent également perpétuer et intensifier l’investissement dans des activités économiques polluantes et intensives en ressources, et décourager l’adoption de réglementations bénéfiques. À notre sens, les règles commerciales et d’investissement doivent aller plus loin que les efforts positifs relatifs à la libéralisation des biens environnementaux par exemple, et donner également aux gouvernements nationaux la flexibilité juridique dont ils ont besoin pour protéger l’environnement de manière adéquate. Afin d’aider les décideurs politiques à élaborer des accords commerciaux et d’investissement qui soutiennent les objectifs de développement durable, l’Institut international du développement durable (IISD) et le Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE) ont créé la Boîte à outil durable pour les négociateurs commerciaux (http://www.iisd.org/toolkits/sustainability-toolkit-for-trade-negotiators). Lancée en mars 2017 lors de la réunion ministérielle du Partenariat pour l’action en faveur d’une économie verte (PAGE),[5] la boîte à outil montre que certaines dispositions des accords sont plus utiles à ces objectifs généraux, citant plus de 200 exemples textuels tirés d’environ 90 accords existants.

Les États y trouveront différentes réponses appropriées au lien entre les politiques environnementales d’une part, et les politiques commerciales et d’investissement d’autre part. Cette boîte à outils veille à ce que les négociateurs d’accords commerciaux et d’investissement aient connaissance des possibilités qui s’offrent à eux pour l’élaboration de dispositions environnementales.

Conçue comme un guide de référence facilement accessible, la boîte à outil peut aider les négociateurs déjà familiers de ces thèmes à rapidement trouver une réponse à des questions spécifiques. Elle offre un bref aperçu de chacun des thèmes, puis aborde les options et présente des exemples trouvés dans des traités existants ou des modèles de traités. Elle couvre par exemple les tendances émergentes relatives aux responsabilités et obligations des investisseurs, et propose des exemples de clauses portant sur le respect par l’investisseur des lois et réglementations de l’État hôte en matière d’environnement, de travail, de fiscalité et de lutte contre la corruption. Si les traités commerciaux et d’investissement ne devraient pas être conçus pour saper le rôle des lois internes applicables aux investisseurs, ils peuvent contribuer à combler les lacunes ou à renforcer le respect. Cela peut par exemple se faire en limitant l’accès à l’arbitrage à certains cas de non-respect, ou en autorisant les demandes reconventionnelles (voir par exemple l’article 11 du modèle de TBI de l’Inde).[6]

La boîte à outils offre également un large aperçu des points clé. Elle aborde en premier lieu les questions qui se poseront aux auteurs : quel type d’architecture, quels types d’engagements ? Elle examine ensuite les dispositions de nature purement environnementale, telles que le traitement des normes environnementales, au regard des accords environnementaux multilatéraux. Elle aborde ensuite les aspects du texte du traité qui ne sont pas directement liés à l’environnement mais qui peuvent avoir des effets significatifs sur celui-ci et sur sa réglementation : l’investissement, les marchés publics, les services et les droits de propriété intellectuelle. En conclusion, elle examine le processus de conception, de négociation et de mise en œuvre des accords commerciaux et d’investissement régionaux (ACIR). Cette boîte à outil sera mise à jour régulièrement avec les nouveaux traités offrant des approches intéressantes des questions abordées.

Les flux commerciaux et d’investissement ne sont pas une fin en soi, mais plutôt un moyen de parvenir à une fin : l’amélioration du bien-être de l’humanité. Toute définition vraisemblable du bien-être humain doit aller au-delà de la richesse personnelle immédiate et inclure, entre autres, la conservation des services environnementaux qui sous-tendent notre économie et notre développement futur. Donc, pour que les lois et réglementations relatives aux échanges et à l’investissement libèrent tout leur potentiel d’amélioration du bien-être humain, elles doivent être en ligne avec les priorités allant au-delà de la seule augmentation des flux de biens, de services et de capitaux.


Auteur

Aaron Cosbey est un économiste du développement et associé principal de l’IISD, doté de plus de 25 ans d’expérience dans les domaines du commerce, de l’investissement et du développement durable.


Notes

[1] Partenariat trans-Pacifique [PTP], art. 20.16(5). Tiré de http://www.iisd.org/toolkits/sustainability-toolkit-for-trade-negotiators/wp-content/uploads/2016/06/TPP-Final-Text-Environment.pdf#page=15.

[2] Accord de libre échange Nouvelle-Zelande-Taiwan, chapitre 17, art. 3.2(a). Tiré de  http://www.iisd.org/toolkits/sustainability-toolkit-for-trade-negotiators/wp-content/uploads/2017/04/NZ-Taiwan-FTA.pdf#page=185.

[3] PTP, art. 20.17. Tiré de http://www.iisd.org/toolkits/sustainability-toolkit-for-trade-negotiators/wp-content/uploads/2016/06/TPP-Final-Text-Environment.pdf#page=18.

[4] Coopération économique d’Asie-Pacifique (APEC). (2012). 20th APEC economic leaders’ declaration, Vladivostok, Russia, Annex C, APEC list of environmental goods. Tiré de http://www.iisd.org/toolkits/sustainability-toolkit-for-trade-negotiators/wp-content/uploads/2016/09/2012_AELM_Declaration_AnnexC.pdf.

[5] http://www.un-page.org/events/page-ministerial-conference-2017.

[6] Modèle de TBI de l’Inde, art. 11. Tiré de http://www.iisd.org/toolkits/sustainability-toolkit-for-trade-negotiators/wp-content/uploads/2016/06/ModelBIT_Annex.pdf#page=11.